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a besoin de Falbrige ; 3° pour prévenir les esprits sur la mort de ce Falbrige ; 4° pour fonder la demeure de Lindane près d’un café où ce Falbrige vient quelquefois.

C’est un rien ; mais rien c’est beaucoup.

Mon cher ange, la détention de la chair fraîche du landgrave[1] ne se confirme pas ; cependant je ne parierais pas contre. Je vous écris fort à la hâte, mais j’ai bien plus de hâte de recevoir de vos nouvelles. Je n’ai pas un moment à moi, car j’ai quelque chose en tête, et toujours pour rire.


Par la sambleu !… je ne croyais pas être
Si plaisant que je suis[2].


4178. — À M.  D’ALEMBERT.
9 juillet.

Mon cher philosophe, j’ai la vanité de croire que vous avez la même idée que moi. Vous voulez que Diderot entre à l’Académie ; vous le voulez, et il faut en venir à bout. Ne croyez point du tout que M.  le duc de Choiseul vous barre ; je vous le répète, je ne vous trompe pas ; il se fera un mérite de vous servir, vous et les penseurs. Quoi ! vous imaginez qu’il vous en veut, parce qu’il a donné du pain à Palissot, fils de son homme d’affaires, et qu’il a souffert dans son antichambre son ancien préfet Fréron ! Il a laissé jouer la Palissoterie pour rire, pour complaire à l’extravagance d’une pauvre malade. Je vous jure que, si cette malade était morte le jour de la représentation, jamais l’auteur de la Vision n’eût été à la Bastille ; d’ailleurs il abandonne Palissot aux coups de bâton, si quelqu’un veut prendre la peine de lui en donner. Il y a très-grande apparence qu’il protégera Diderot. Il ne sera pas difficile d’avoir pour nous Mme  de Pompadour ; l’évêque d’Orléans[3] ne parlera pas contre lui comme eût fait le mage Yebor[4], qui signait toujours l’âne évêque de Mirepoix, au lieu de signer l’anc. ; il croyait mettre l’abréviation d’ancien, et il signait son nom tout au long.

En un mot, il faut mettre Diderot à l’Académie : c’est la plus belle vengeance qu’on puisse tirer de la pièce contre les philo-

  1. Voyez lettres 3981 et 4173.
  2. Le Misanthrope, acte I, scène vii.
  3. Louis Sextius de Jarente de La Bruyère, né à Aix en 1706, évêque de Digne en 1747, d’Orléans en 1758, mort en 1788. Il avait ce qu’on appelait la feuille des bénéfices, et se distingua par sa conduite scandaleuse. (B.)
  4. Anagramme de Boyer.