avec les preuves ? Ce serait là le coup de foudre ; intérim ridendum.
Oui, sans doute, le seigneur, le ministre dont il est question, a protégé Palissot et Fréron, et il me l’a mandé, et il les abandonnait, et il n’est pas homme à persécuter personne, et il pense comme il faut, quoique pædicaverit cum Freronio in collegio Clari-Montis[1], et quoique Palissot soit le fils de son homme d’affaires ; mais l’insulte faite à son amie mourante est le tombeau ouvert pour les frères. Ah ! pauvres frères ! les premiers fidèles se conduisaient mieux que vous. Patience, ne nous décourageons point ; Dieu nous aidera, si nous sommes unis et gais. Hérault disait un jour à un des frères : « Vous ne détruirez pas la religion chrétienne, — C’est ce que nous verrons », dit l’autre[2].
Je reçois deux de vos lettres à la fois, l’une du 30 de mai[3], l’autre du 3 de juin. Vous me remerciez de ce que je vous rajeunis ; j’ai donc été dans l’erreur de bonne foi. L’année 1718 a paru votre Œdipe ; vous aviez alors dix-neuf ans[4], donc…
Nous allions livrer bataille hier ; l’ennemi, qui était ici, s’est retiré sur Radebourg ; et mon coup se trouve manqué. Voilà des nouvelles que vous pouvez débiter par toute la Suisserie, si vous le voulez.
Vous me parlez toujours de la paix ; j’ai fait tout ce que j’ai pu pour la ménager entre la France et l’Angleterre, à mon inclusion. Les Français ont voulu me jouer, et je les plante là ; cela est tout simple. Je ne ferai point de paix sans les Anglais, et ceux-là n’en feront point sans moi. Je me ferais plutôt châtrer que de prononcer encore la syllabe de paix à vos Français.
Qu’est-ce que signifie cet air pacifique que votre duc affecte vis-à-vis de moi ? Vous ajoutez qu’il ne peut pas agir selon sa façon de penser. Que m’importe cette façon de penser, s’il n’a point le libre arbitre de se conduire en conséquence ? J’abandonne le tripot de Versailles au patelinage de ceux qui s’amusent aux intrigues. Je n’ai point de temps à perdre à ces futilités ; et, dussé-je périr, je m’adresserais plutôt au Grand Mogol qu’à Louis le Bien-Aimé, pour sortir du labyrinthe où je me trouve.
Je n’ai rien dit contre lui. Je me repens amèrement d’en avoir écrit en
- ↑ Le collège de Louis-le-Grand (ou collège des jésuites) porta d’abord le nom de collège de Clermont.
- ↑ C’est au lieutenant de police Hérault que Voltaire fit cette réponse. L’anecdote est rapportée, par Condorcet, dans sa Vie de Voltaire ; voyez tome Ier.
- ↑ Cette lettre manque à la Correspondance.
- ↑ Voltaire n’avait que dix-neuf ans quand il composa son Œdipe (voyez tome II, page 7). Il en avait prés de vingt-cinq quand il fut joué.