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doivent, à la longue, écraser leurs adversaires, et éclairer leurs contemporains.

Je pourrais me plaindre du Discours de M. Lefranc à l’Académie ; il m’a désigné injurieusement. Il ne fallait pas outrager un vieillard retiré du monde, surtout dans l’opinion où il était que ma retraite était forcée ; c’était, en ce cas, insulter au malheur, et cela est bien lâche. Je ne sais comment l’Académie a souffert qu’une harangue de réception fût une satire.

Il est triste que les gens de lettres soient désunis : c’est diviser des rayons de lumière pour qu’ils aient moins de force. Un homme de cour s’avisa d’imaginer que je vous avais refusé ma voix à l’Académie ; cette calomnie jeta du froid entre nous, mais n’a jamais affaibli mon estime pour vous. Jugez de cette estime par le compte exact que je vous rends de mon procédé ; il est franc, et vous me rendrez justice avec la même franchise.


4161. — À M. D’ALEMBERT.
20 juin.

Ma cousine Vadé me mande qu’elle a recouvré cet ouvrage moral[1] depuis trois mois, et que notre cousin Vadé étant mort au commencement de 1758, il ne pouvait parler de ce qui se passe en 1760 ; mais il en parlera par voie de prosopopèe.

Je n’ai point vu le Mémoire de Pompignan. Thieriot m’abandonne, tirez-lui les oreilles.

Mons Palissot dit que je l’approuve ! Qu’on aille chez M. d’Argental, il montrera ma lettre à lui adressée, en réponse de la comédie d’Aristophane, reliée en maroquin du Levant. Je ne puis publier cette lettre sans la permission de M. d’Argental ; elle est naïve. Je pleure sur l’abbé Morellet et sur Jérusalem. Ô mon aimable, et gai, et ferme, et profond philosophe ! il faut f… les dames et les respecter. Je ne dis pas qu’il faille f… Mme du Deffant ; mais sachez qu’elle ne m’envoya jamais la lettre dont vous vous plaignez. Elle fit apparemment ses réflexions, ou peut-être vous lui lâchâtes quelque mot qui la fit rentrer en elle-même,

N’aurons-nous point l’histoire de la persécution contre les philosophes, un résumé des âneries de maître Joly, un détail des efforts de la cabale, un catalogue des calomnies, le tout

  1. Le Pauvre Diable. — La lettre à maître Abraham Chaumeix, qui précède cette satire, est signée Catherine Vadé.