de M. Lefranc de Pompignan ; je demande l’Interprétation de la Nature[1], ""la Vie heureuse"" de l’infortuné La Mettrie, etc., etc.
Je réitère mes sanglots sur la Vision ; cette vision est celle de la ruine de Jérusalem. Voilà la philosophie perdue et en horreur aux yeux de ceux qui ne l’auraient pas persécutée. Ô ciel ! attaquer les femmes ! insultera la fille d’un Montmorency ! à une femme expirante ! Je suis réellement au désespoir.
M. d’Alembert croit m’apprendre que M. le duc de Choiseul protège Palissot et Fréron, Hélas ! j’en sais plus que lui sur tout cela, et je peux répondre que M. le duc de Choiseul aurait protégé davantage les pauvres Socrates ; et je vous prie de le lui dire. Il m’écrit que les philosophes sont unis, et moi, je lui soutiens qu’il n’en est rien ; quand ils souperont deux fois par semaine ensemhle, je le croirai. On cherche à les diviser ; on va jusqu’à m’appeler l’oracle des philosophes, pour me faire brûler le premier. On ose dire, dans la Préface de Palissot, que je suis au-dessus d’eux ; et moi je dis, j’écris qu’ils sont mes maîtres. Quelle comparaison, bon Dieu ! des lumières et des connaissances des d’Alembert et des Diderot avec mes faibles lueurs ! Ce que j’ai au-dessus d’eux est de rire et de faire rire aux dépens de leurs ennemis ; rien n’est si sain : c’est une ordonnance de Tronchin.
Écrivez-moi, mon ancien ami ; voyez Protagoras-d’Alembert, et venez aux Délices.
Mon divin ange, je peux encore quelquefois penser avec ma tête, mais je ne peux pas toujours écrire avec ma main ; ainsi pardonnez-moi si je vous dis par la main d’un autre que je suis excédé par les travaux de la campagne et par les sottises du Parnasse. Je suis très-fort de votre avis ; voilà assez de plaisanteries. Je vais revoir dès demain Mèdime et Tancrède. Il y a grande apparence que la copie de Tancrède est entre les mains d’un ami de M. le duc de Choiseul ou de madame la duchesse ; que par conséquent cet ami sera fidèle. Tout ce que je puis faire est d’être docile à vos ordres, et de travailler tant que ma pauvre tête le permettra. Si je fais quelque chose dont je sois content, je vous
- ↑ Pensées sur l’interprétation de la nature. Cet ouvrage est de Diderot. Il parut au commencement de 1754.