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Mes enfants, aimez-vous les uns les autres[1], si vous pouvez. Votre ennemi vous a dit, ou plutôt redit,


Que nous sommes perdus si nous nous divisons[2].


Par quelle dure fatalité arrive-t-il que j’aie la réponse de Ramponeau[3], et que je n’aie pas le factum de M. de Beaumont[4] contre Ramponeau ? Il n’y avait qu’un exemplaire de ce factum dans notre petite province ; je ne l’ai tenu qu’un instant. Je l’ai lu rapidement, mais avec grand plaisir, et j’ai eu la bêtise honnête de le rendre. Voyez combien les philosophes sont honnêtes gens, quoi qu’en dise Palissot !

Je vous envoie la seule copie de la réponse que j’aie en main : elle est d’un homme de l’Académie de Dijon ; cela m’a paru gai, et je n’aime plus que ce qui est gai. Je veux passer, encore une fois, le reste de ma vie à lire et à rire.

Vous trouverez sans doute quelque bon citoyen qui se fera un plaisir de publier le Plaidoyer de Ramponeau. Je voudrais avoir de plus belles choses à vous envoyer, et de plus longues ; mais il vient rarement de bonnes choses de la province.

Les Fétiches[5] du président de Brosses n’ont pas eu grand cours ; le Discours même du président de Montauban[6] n’est pas recherché. C’est la pierre sur laquelle on va aiguiser ses couteaux ; mais, pour la pierre, elle est au rebut.

La Préface[7] de Palissot est pire que son ouvrage. Il impute aux encyclopédistes des passages de La Mettrie ; passages horribles, mais que La Mettrie lui-même réfute. Il supprime la réfutation. Il présente ce poison à la cour, pour faire croire que ce sont nos philosophes qui l’ont apprêté. Je n’ai point ce livre de La Mettrie, de la Vie heureuse. Pouvez-vous me faire avoir toutes les œuvres de ce fou ? Vous devriez courir chez M. d’Alembert, qui ne sait pas peut-être combien ces passages sont altérés : car ce livre est, je crois, très-rare. Je pense qu’il faudrait faire un ouvrage sage,

  1. « Hæc mando vobis, ut diligatis invicem. » (Paroles de saint Jean, chap. xv, v. 17.)
  2. Vers de la comédie des Philosophes, acte III, scène iii.
  3. Voyez tome XXIV, page 115.
  4. Voyez la note, tome XXIV, page 115.
  5. Du Culte des dieux fétiches, ou Parallèle de l’ancienne religion d’Egypte avec la religion actuelle de Nigritie, 1760, in-12.
  6. Lefranc de Pompignan.
  7. Palissot venait de publier Lettre de l’auteur de la comédie des Philosophes au public, pour servir de préface à la pièce, in-12 de vingt-trois pages.