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4114. — DE CHARLES-THÉODORE,
électeur palatin.

Je vous suis très-obligé, monsieur, de m’avoir envoyé les deux chants de la Pucelle, que j’ai lus avec bien de l’empressement, de même que tout ce que vous écrivez. Vous me faites un bien sensible plaisir de m’apprendre que votre santé et le fameux Tronchin vous permettront de venir chez celui qui aime et admire une personne d’un mérite tel que le possède le petit Suisse.


Charles-Théodore, électeur.

4115. — À M.  SAURIN.
à paris.
5 mai.

Je vous remercie de tout mon cœur, monsieur. J’aime beaucoup Spartacus[1] : Voilà mon homme ; il aime la liberté, celui-là. Je ne trouve point du tout Crassus petit. Il me semble qu’on n’est point avili quand on dit toujours ce qu’on doit dire. J’aime fort que Noricus tourne ses armes contre Spartacus pour se venger d’un affront : cela vaut mieux que la lâcheté de Maxime, qui accuse son ami Cinna parce qu’il est amoureux d’Emilie. Cet emportement de Spartacus, et le pardon qu’il demande noblement, sont à l’anglaise ; cela est bien de mon goût. Je vous dis ce que je pense : je vous donne mon sentiment pour mien[2], et non pour bon. Peut-être le parterre de Paris aura désiré un peu plus d’intérêt.

Il y a quelques vers duriuscules. Je ne hais pas qu’un Spartacus soit quelquefois un peu raboteux ; je suis las des amoureux élégants. Ma cabale veut donner malgré moi une pièce toute confite en tendresse ; il y a une espèce d’amoureux qui me paraît un grand benêts[3]. Cela a un faux air de Bajazet ; cela est bien médiocre. J’en ai averti ; ils veulent la jouer : je mets le tout sur leur conscience.

Je vous avertis que je n’aime point du tout votre épître à M.  Helvétius[4] ; quand je vous dis que je ne l’aime point, c’est que je ne connais personne qui l’aime. Tout est dit : non,

  1. Voyez la lettre 4056.
  2. Montaigne.
  3. Ramire, l’un des personnages de Zulime.
  4. La dédicace de Spartacus, à Helvétius.