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4095. — À M.  LE SECRÉTAIRE DE L’ACADÉMIE BOTANIQUE
de florence[1].
15 avril

Je devrais vous remercier dans votre belle langue toscane, vous et votre illustre Académie, de l’honneur que vous me faites ; mais un malade qui ne peut écrire de sa main est excusable. L’Académie, en me faisant l’honneur de m’ériger en botaniste, me fournit un motif de plus pour chercher des plantes dans la Suisse. Nos montagnes ont la réputation pour les simples, comme pour les neiges ; mais je crois que les neiges l’emportent de beaucoup. Si j’avais eu à choisir un climat, j’aurais préféré celui du Dante, de Pétrarque et de l’Arioste à tout autre. Mais malheureusement les hommes ne choisissent pas leur patrie comme ils voudraient. J’ai eu toute ma vie une passion pour la Toscane, qui n’a jamais été satisfaite. L’honneur que j’ai d’être associé à quelques-unes de vos Académies me sert de consolation ; mais il est toujours bien triste d’être loin de ce qu’on aime. Les nouvelles bontés qu’on me témoigne, et que je dois à M.  de Lorenzi, redoublent mon attachement et mes regrets. Je présente mes profonds respects et mes remerciements à l’Académie.

J’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


4096. — À M.  LE COMTE DE LORENZI[2].
Au château de Tournay, 15 avril.

J’ai reçu, monsieur, la lettre et les patentes de botaniste dont vous m’honorez, dans le temps où j’ai le plus besoin de simples. Je ne suis pas jeune, et je suis très-malade. Si je peux trouver quelque herbe qui rajeunisse, je ne manquerai pas de l’envoyer à votre Académie. J’ai toujours été fâché qu’il y eût sur la terre tant de plantes qui fissent du mal, et si peu de salutaires ; la nature nous a donné beaucoup de poisons, et pas un spécifique. C’est dommage que nous ayons perdu le bel ouvrage de Salomon qui traitait de toutes les plantes, depuis le cèdre jusqu’à l’hysope ;

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Le comte de Lorenzi, frère du chevalier de Lorenzi avec lequel J.-J. Rousseau fut en correspondance, était né à Florence ; et, de 1734 à 1765, époque de sa mort, il y remplit les fonctions de chargé des affaires du roi de France en Toscane. Lorenzi était membre de l’Académie de botanique de sa ville natale. (Cl.)