Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toujours de bonnes affaires, conclura peut-être le marché ; et ce sera le Mariage forcé.

Je ne doute pas que madame n’ait été contente de ses Américains et de ses Américaines. Quand on voit tant de malheurs et tant de cruelles folies en Europe, il n’est pas mal de faire un petit voyage au Pérou. J’ai peur que le voisinage de Votre Altesse sérénissime ne soit inondé de troupes cette année ; mais elle est accoutumée à voir les orages et à les dissiper. Quand je vis les premières tempêtes se former, je crus qu’il y en avait là pour cinq ou six ans ; Dieu veuille que je me sois trompé ! On paraît épuisé à la fin d’une campagne, et on recommence encore sur nouveaux frais ; on dit : Ce sera la dernière, et cette dernière en amène encore une autre, et les malheurs du genre humain ne finissent point. Le roi de Prusse fait toujours des vers et des revues. Je ne sais comment la petite-fille[1] d’Ernest le Pieux aura pris la lettre au maréchal de Keith. Si le philosophe de Sans-Souci est battu, il sera excommunié.

Conservez, madame, votre sage et heureuse tranquillité d’esprit au milieu de toutes les secousses qui vous environnent ; soyez aussi heureuse que vous devez l’être ; que la grande maîtresse des cœurs jouisse d’une santé bien affermie ; que votre auguste famille croisse sous vos yeux en grâces, en talents et en mérite. Je me mets à vos pieds et à ceux de monseigneur. Je renouvelle à Votre Altesse sérénissime le profond respect et l’attachement du Suisse V.


4092. — À MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT.
Aux Délices, 12 avril.

Je ne vous ai envoyé, madame, aucune de ces bagatelles dont vous daignez vous amuser un moment. J’ai rompu avec le genre humain pendant plus de six semaines ; je me suis enterré dans mon imagination ; ensuite sont venus les ouvrages de la campagne, et puis la fièvre. Moyennant tout ce beau régime, vous n’avez rien eu, et probablement vous n’aurez rien de quelque temps.

Il faudra seulement me faire écrire : « Madame veut s’amuser, elle se porte bien, elle est en train, elle est de bonne humeur, elle ordonne qu’on lui envoie quelques rogatons ; » et alors on

  1. La duchesse elle-même.