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La Vérité va le défendre,
Elle s’arme déjà pour lui.
Son âme était noble et fidèle ;
Qu’elle vous serve de modèle.
Maupertuis sut vous pardonner
Ce noir écrit[1], ce vil libelle,
Que votre fureur criminelle
Prit soin chez moi de griffonner.

Voyez quelle est votre manie :
Quoi ! ce beau, quoi ! ce grand génie,
Que j’admirais avec transport,
Se souille par la calomnie.
Même il s’acharne sur un mort !

Ainsi, jetant des cris de joie,
Planant en l’air, de vils corbeaux
S’assemblent autour des tombeaux,
Et des cadavres font leur proie.

Non, dans ces coupables excès
Je ne reconnais plus les traits
De l’auteur de la Henriade ;
Ces vertus dont il fait parade,
Toutes je les lui supposais.

Hélas ! si votre âme est sensible,
Rougissez-en pour votre honneur,
Et gémissez de la noirceur
De votre cœur incorrigible.


Vous en revenez encore à la paix. Mais quelles conditions ! certainement, les gens qui la proposent n’ont pas envie de la faire. Quelle dialectique que la leur ! céder le pays de Clèves, parce qu’il est habité par des bêtes[2] ! Que diraient ces ministres, si on demandait la Champagne parce que le proverbe dit : Nonante-neuf moutons et un Champenois font cent bêtes ? Ah ! laissons tous ces projets ridicules. À moins que le ministre français ne soit possédé de dix légions de démons autrichiens, il faut qu’il fasse la paix.

Vous m’avez mis en colère ; votre repentir obtiendra votre pardon. En attendant, je vous abandonne à vos remords et aux furies vengeresses qui poursuivent les calomniateurs, jusqu’à ce que cette religion naturelle, que vous dites innée, renouvelle les traces qu’elle avait autrefois imprimées dans votre âme. Vale.

  1. La Diatribe du docteur Akakia, qui donna naissance aux persécutions de Frédéric contre Voltaire ; voyez tome XXIII, pages 559, 560.
  2. Ceci semble faire allusion à ce que dit Voltaire page 353.