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4079. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
Aux Délices, 25 mars.

Madame, je savais bien que Votre Altesse sérénissime faisait le bonheur de tous ceux qui ont l’honneur de vous approcher ; mais je vois quelle veut que les absents s’en ressentent comme les présents. Votre bonté me comble de joie, madame ; ce qu’elle daigne me proposer est une grâce que je sollicite moi-même avec transport. Des mémoires sur le règne de Pierre le Grand sont la plus agréable consolation que je puisse recevoir dans le chagrin de n’être pas à vos pieds dans Gotha, et dans la douleur que j’ai de voir la cousine de Mlle  Pertriset si capricieuse et si difficile à marier. Je crois qu’il vaut mieux avoir affaire aux princes morts qu’aux princes vivants. Si le czar Pierre était en vie, je fuirais cent lieues pour n’être pas auprès de ce centaure, moitié homme et moitié cheval, qui détruisait tant d’hommes pour son plaisir, tandis qu’il en civilisait d’autres. Aujourd’hui il est un héros ; ses moindres actions sont précieuses. Je ne peux trop remercier Votre Altesse sérénissime de la grâce que vous m’accordez. Protégez-moi de tout votre pouvoir, madame, auprès de Mme  la comtesse de Bassevitz. Si elle veut m’envoyer dès à présent tout ce qu’elle a d’intéressant en allemand, je le ferai traduire sur-le-champ et je lui enverrai fidèlement l’original. Je vais lui écrire pour la remercier ; mais je commence par Votre Altesse sérénissime, comme de raison. Je ne sais comment faire pour faire tenir à Mme  de Bassevitz un petit paquet. Je l’imagine entourée de housards prussiens et de kalmouks. Que n’est-elle à Gotha, et moi aussi !

Un certain La Bat, baron de Grandcour, marchand de Genève, un peu usurier de son métier, m’est venu trouver. Il parle de comptes, de différence d’argent, etc. Fi donc ! le vilain n’a été que trop bien payé. Votre Altesse sérénissime est trop bonne. — Et Alzire. ? — À vos pieds avec le plus profond respect.


4080. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
26 mars.

Ange toujours gardien, je n’ai qu’un moment : il sera consacré aux actions de grâces, non pas pour le grand chambrier[2],

  1. Éditeurs, Bavoux et François.
  2. L’abbé d’Espagnac.