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Mais, après avoir chicané un an, j’aime encore mieux payer à monseigneur Paramont[1] neuf cent vingt livres que je ne lui dois pas, que de les dépenser en frais de procureurs et de juges ; je suis bien las de tous ces frais. Le parlement de Dijon s’est avisé de faire pendre, ou à peu près, un pauvre diable de Suisse, pour me faire payer la procédure, en qualité de haut-justicier. Je suis tout ébahi d’être haut-justicier, et de faire pendre les Suisses en mon nom.

Le tripot est plus plaisant ; mais on a les sifflets et les Fréron à combattre. De quelque côté qu’on se tourne, ce monde est plein d’anicroches.

J’ai écrit à Delaleu[2] de faire porter chez vous neuf cent vingt livres, pour achever le compte abominable de M. l’abbé d’Espagnac ; mais, en même temps, je meurs de honte de vous donner toutes ces peines. Comment ferez-vous ? ce conseiller-clerc demeure à une lieue de chez vous ; aurez-vous la bonté de lui écrire un petit mot d’avis par un polisson ? voudrez-vous qu’il envoie le trésorier de Son Altesse sérénissime avec une belle quittance bien catégorique ? ou bien opinerez-vous que cette quittance se fasse chez mon notaire ? Tout ce que je sais, c’est que vous êtes mon ange gardien de toutes façons, et que je suis un pauvre diable. Je me suis ruiné en bâtiments à la Palladio, en terrasses, en pièces d’eau ; et les pièces de théâtre ne réparent rien[3]. J’attends toujours, mon divin ange, que vous me disiez votre avis sur Spartacus.

Je suis actuellement avec Platon et Cicéron ; il ne me manque plus que l’abbé d’Olivet pour m’achever. Il y a loin de là au tripot ; mais je suis toujours à vos ordres, et à ceux de Mme Scaliger, à qui je présente mes respects. Votre créature, V.


4065. — À M. LE COMTE ALGAROTTI.
Aux Délices, 7 mars.

{{brn|1} Je suis malade depuis longtemps, mon cher cygne de Padoue, et j’en enrage. Le linquenda[4], etc., etc., fait de la peine, quelque

  1. Le comte de La Marche. Les éditeurs de Kehl et Beuchot avaient lu « monseigneur par amour et dominant », ce qui n’avait aucun sens. Nous avons déjà vu le comte de La Marche ainsi désigné, page 9.
  2. Notaire de Voltaire.
  3. Voltaire ne retirait aucun profit de la plupart de ses chefs-d’œuvre dramatiques. (Cl.)
  4. Allusion au vingt et unième vers de l’ode d’Horace Ad Posthumum., livre II, ode XIV.