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fois sans s’entendre. Je ne crois pas qu’aujourd’hui notre capitale ait lieu de penser qu’on n’est bien que chez elle. Je suis bien sûr que vous ne la regretterez pas plus dans vos voyages que moi dans ma retraite. Il faudrait être bien bon pour croire qu’on ne peut être heureux que dans la paroisse de Saint-Sulpice ou de Saint-Eustache.

Vous verrez probablement de grands événements : c’est le Nord qui est le grand théâtre ; mais c’est l’Angleterre qui joue le plus beau rôle. Le nôtre n’est pas aujourd’hui si brillant ; mais M.  de Paulmy et vous, vous serez comme Baron et la Champmêlé, qui faisaient valoir les pièces de Pradon.

Je vous demande pardon de ne pas vous écrire de ma main, étant un peu malingre. Les sentiments de mon cœur pour vous n’en sont pas moins vifs ; je me vante d’avoir senti tout d’un coup tout ce que vous valez. Je vous prie de me conserver un peu d’amitié ; je suis entièrement à vos ordres, et c’est avec tous les sentiments que vous méritez que j’ai l’honneur d’être passionnément, etc.


Voltaire.

Si vous et M.  de Paulmy étiez d’honnêtes gens, vous passeriez par chez nous.


4059. — À M.  FORMEY[1].
Février.

J’aime votre concitoyen[2] ; il me procure le plaisir d’avoir de vos nouvelles. Je voudrais bien voir l’enduit de poix-résine dont vous avez embaumé ce fou de Maupertuis, avec sa petite perruque et sa loi de l’épargne. Avez-vous bien exalté son âme ?

J’ai peur que vos corps ne meurent de faim à Berlin.

Je ne sais comment vous envoyer l’Almanach[3] de Priam et d’Hector, que votre Troyen m’a envoyé pour vous. Quand votre guerroyant philosophe daigne m’écrire par Michelet, je fourre tous les paquets possibles dans le mien ; mais il m’écrit par d’autres voies lorsqu’il me fait cet honneur. Je ne peux, en conscience, vous envoyer par la poste un Almanach qui vous coûterait plu-

  1. Formey, qui a imprimé cette lettre dans ses Souvenirs, tome Ier, page 303, n’en donne pas la date ; mais il dit qu’elle accompagnait une lettre de Grosley du 20 février. (B.)
  2. Grosley, Champenois (voyez tome XXXIX, page 378), pouvait être appelé concitoyen ou compatriote de Formey, dont la famille était originaire de Vitry en Champagne.
  3. Le volume des Éphémérides troyennes pour 1759, in-24.