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mieux brûler Magdebourg ; mais malheureusement on y rôtirait l’abbé de Prades, qui est dans un cachot de la citadelle, et je n’aime point qu’on brûle les bons chrétiens.

Je vous embrasse de tout mon cœur.


4057. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Freyberg, 24 février.

De combien de lauriers vous êtes-vous couvert,
Au théâtre, au lycée, au temple de l’histoire !
      Amant des filles de Mémoire,
Leurs immenses trésors vous sont toujours ouverts ;
      Vous y puisez la double gloire
D’exceller par la prose ainsi que par les vers ;
Malgré tous ces écrits dont vous êtes le père.
Un laurier manque encor sur le front de Voltaire.
      Après tant d’ouvrages parfaits,
      Avec l’Europe je croirais.
      Si par une habile manœuvre
      Ses soins nous ramènent la paix,
      Que ce sera son vrai chef-d’œuvre[1].


Voilà ce que je pense avec toute l’Europe. Virgile a fait d’aussi beaux vers que vous, mais il n’a jamais fait de paix. Ce sera un avantage que vous gagnerez sur tous vos confrères du Parnasse, si vous y réussissez.

Je ne sais qui m’a trahi et qui s’est avisé de donner au public des rapsodies qui étaient bonnes pour m’amuser, et qui n’ont jamais été faites à intention d’être publiées. Après tout, je suis si accoutumé à des trahisons, à de mauvaises manœuvres, à des perfidies, que je serais bien heureux que tout le mal qu’on m’a fait, et que d’autres projettent encore de me faire, se bornât à l’édition furtive de ces vers. Vous savez mieux que je ne le peux

  1. Au lieu de ces treize vers, on lit dans l’édition de Berlin :

    De combien de lauriers vous êtes-vous couvert
    Au théâtre, au lycée, au temple de l’histoire !
          Amant des filles de Mémoire,
    Leurs immenses trésors vous sont toujours ouverts ;
          Vous y puisez la double gloire
    D’exceller par la prose ainsi que par les vers.
          Doué de la grâce efficace
          Du dieu du goût et du Parnasse,
          Il vous a de, plus départi
          L’art heureux d’instruire et de plaire,
          Que tous ces peuples ont senti.
    Dans ces écrits divins dont vous êtes le père,
    Un laurier manque encor sur le front de Voltaire :
          Malgré tant d’ouvrages bien faits,
          Avec l’Europe je croirais,
          Si par une habile manœuvre
          Vos soins nous ramenaient la paix,
          Que ce serait votre chef-d’œuvre.