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Je présente mes obéissances très-humbles à toute la famille. Si Mme  d’Épinai veut m’écrire un petit mot, elle comblera de joie un solitaire malade dans son lit. Ce malade a demandé au grand Tronchin s’il fallait s’enduire de poix-résine, comme l’ordonne Maupertuis ; il a répondu qu’il fallait attendre des nouvelles de l’Académie française.


4056. — À M.  THIERIOT.
Aux Délices, 22 février.

On reconnaît ses amis au besoin : il faut que vous me disiez absolument ce que c’était que cette lettre de change du révérend père de Sacy[1], de la compagnie de Jésus et de Judas. Il faut aussi que vous ayez la bonté de me faire avoir, par le moyen de M.  Bouret, les Œuvres du poëte-roi. Je n’entends pas par là les Psaumes de David, mais bien la prose et les vers de Sa Majesté prussienne. Il n’est plus guère Majesté prussienne, attendu que les Russes lui ont raflé la Prusse ; il est encore électeur de Brandebourg, mais peut-être ne le sera-t-il pas longtemps. Je serai fort flatté d’avoir mis la main à ses ouvrages, s’ils durent un peu plus que son royaume.

A-t-on joué Spartacus[2], et M.  Lefranc de Pompignan a-t-il fait un bel éloge de Maupertuis ? A-t-il bien prôné la religion de cet athée ? A-t-il fait de belles invectives contre les déistes de nos jours ? Je vous prie, mon cher ami, de me mettre un peu au fait.

J’ai beau exalter mon âme pour lire dans l’avenir, comme feu Moreau-Maupertuis, je ne peux deviner ce que deviendront nos fortunes. On parle d’arrangements de finances qui dérangeront furieusement les particuliers. Si, avec cela, on peut avoir des flottes contre les Anglais, et des grenadiers contre le prince Ferdinand, il ne faudra pas regretter son argent.

Je n’ai point été surpris de voir qu’il n’y ait que quinze conseillers au parlement qui aient porté leur vaisselle ; mais je suis fâché que sur plus de vingt mille hommes qui en ont à Paris, il ne se soit trouvé que quinze cents citoyens qui aient imité Mlle  Hus et le roi[3].

On dit que le parlement fera brûler les Œuvres du roi de Prusse : c’est une plaisanterie digne de notre siècle ; il vaudrait

  1. Voyez tome XVI, pages 100 et suiv.
  2. Le Spartacus de Saurin a été joué le 20 février avec succès.
  3. Voyez une note de la lettre 3986.