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l’autre sont cruellement outragés dans le nouveau livre dont j’ai eu l’honneur de vous parler en ma dernière lettre envoyée par la voie de Vienne.

Quoi qu’il arrive, j’attendrai vos ordres avec le plus grand empressement de leur obéir. V.



4042. — À MADAME D’ÉPINAI.
6 février.

Quand il s’agit de son pain, ma chère et respectable philosophe, on oublie tout le reste, hors vous, à qui je songerais en mourant de faim. J’envoie aux fermiers généraux les déclarations du contrôleur et du receveur, qui avouent leur prévarication, le crime de faux dans le procès-verbal, et toutes les horreurs que nous avons essuyées. Je rends compte de la scélératesse de ces employés, que j’ai vus moi-même faire la contrebande. Je fais voir que le pays de Gex est à charge aux fermes du roi ; je propose les moyens de faire le bien des fermes générales et de la province. Je demande que M. d’Épinai ait la bonté de venir traiter avec nous. Si vous pouvez, madame, obtenir qu’il y vienne, et l’accompagner, la province sera, comme moi, à vos pieds. Le sel, le blé, sont de pauvres objets. Il y a des peuples qui n’ont ni pain ni sel. Mais quand on vous a vue, il faut mourir de vous revoir.

Et la paix, et la guerre, et Luc, et la Compagnie des Indes, je me moque de tout cela, madame ; il faut que vous reveniez. V.



4043. — DE MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[1].
Paris, 8 février 1760.

Vous comptez avec moi bien ric à ric, monsieur, et vous ne m’écririez jamais si ce n’était en réponse. Depuis votre dernière lettre, j’ai presque toujours été malade. J’aurais eu grand besoin que vous eussiez pris soin de moi ; tout ce qui me vient de vous me tire de la léthargie qui devient presque mon état habituel ; jamais vos lettres ni vos ouvrages ne peuvent arriver mal à propos, je vous trouve le seul homme vivant qui soit sur terre ; tout ce qu’on lit, tout ce qu’on entend, est semblable aux commentateurs de votre Temple du Goût, qui disent ce qu’on pensa, mais qui ne pensent point ; enfin tout ceci ressemble aux limbes. Au nom de Dieu, tirez-moi de mon ennui, et soyez sûr que quand même on attaquerait les rentes viagères, vos lettres et vos ouvrages ne m’en feraient pas moins plaisir.

  1. Correspondance complète, édit. Lescure, 1865.