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venir dans ma maison les blés et l’avoine de mes champs. J’ai actuellement un procès par devant le frère[1] de maître Joly pour mon blé, mes chevaux, mes bœufs, qu’un très-insolent commis a saisis contre tout droit et raison. J’ai écrit au contrôleur général, aux fermiers généraux, à l’intendant, au subdélégué. Franchement, il est horrible de ne pouvoir manger en paix le blé qu’on a semé.

Je n’ose, dans la crise des affaires publiques, écrire à M.  le duc de Choiseul, Je ne l’ai que trop importuné, et je crains de fatiguer ses bontés en le conjurant d’interposer son crédit. Je crois qu’il n’y a que la France au monde où il ne soit pas permis de jouir de ses moissons.

Mon cher ange, je me suis ruiné à acheter, à cultiver, à embellir des terres ; et tout ce que j’en retire, c’est de la difficulté et un procès pour manger mon pain. Il faut avoir plus de patience que je n’en ai pour soutenir une telle vexation. Je suis au bout de ma patience.

J’abuse de la vôtre par cette longue lettre ; mais lisez encore, si vous en avez le courage. Voici, puisque vous voulez bien le permettre, une lettre pour M.  l’abbé d’Espagnac. On se trompe dans sa propre cause ; je n’ose assurer que ma demande soit juste, mais j’avoue qu’elle me le paraît. Il ne me manque plus qu’un procès pour les terres qui m’ont ruiné, et voilà la pièce finie. Était-ce pour cela que j’avais cherché la paix entre le mont Jura et les Alpes ? Allons, courage ! Comment se porte Mme  d’Argental depuis le dégel ? Je me mets à ses pieds, mon divin ange.

P. S. J’ajoute à mon épître que le duc de Villars, en pleurant, trouve des vers faibles. Allons, cherchons-les, nous les trouverons bien. Corrigeons, limons, rabotons, polissons ; vilain travail, et travail vilain !


4040. — À MADAME D’ÉPINAI[2].

Ma chère philosophe, je vous supplie instamment d’engager M.  d’Épinai à faire rendre ce service important à la province et à nous.

Il y a sans doute un plus important service à rendre, c’est de

  1. Intendant de Bourgogne.
  2. C’est d’après une copie de bonne source que je fais une lettre à part de ce qui a été donné comme faisant partie de la lettre du 30 janvier, et qui doit l’avoir suivie de très-près, (B.)