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faire sa cour. Les visites que Votre Altesse sérénissime peut recevoir des majors impériaux, ou français, ou autrichiens, ou prussiens, ne seraient certainement pas des hommages aussi purs, aussi sincères que les miens.

Je viens de recevoir une visite un peu extraordinaire du Genevois La Bat, baron suisse. Il s’est plaint à moi, madame, que votre ministre n’a pas daigné lui écrire ; il dit qu’il attend en vain une réponse depuis le commencement de décembre ; il dit qu’il a donné son argent longtemps auparavant, et qu’on n’en a pas seulement accusé la réception. Il prétend, en bon Suisse, en bon Genevois, s’en prendre à moi. J’ose conjurer Votre Altesse sérénissime de vouloir bien lui faire écrire d’une manière satisfaisante, et que votre pauvre serviteur ne soit plus exposé à ses menaces.

Il me semble qu’il y a un grand refroidissement entre la cour de France et celle du Palatin, et quelques autres encore. Mais quand la rage d’exterminer des hommes se refroidira-t-elle ? Jamais si petit sujet n’a ensanglanté la terre et les mers. Passe encore quand on combattait pour Hélène ; mais le Canada et la Silésie ne méritent pas que tout le monde s’égorge.

On prétend que les jésuites sont les auteurs de la conspiration du Portugal ; autre scène d’horreurs. Ah ! comme ce monde est fait ! Mais vous l’ornez, madame, et je ne peux en dire de mal.

Agréez le profond et tendre respect de V.


3757. — À M.  COLINI.

Voici, mon cher Colini, la lettre#1 que vous pouvez écrire. Adressez-vous au notaire qui reçut votre protestation ; faites pré-[1]

  1. Voltaire ayant appris que le prince de Soubise, nommé maréchal de France le 19 octobre 1758, dirigeait la marche de l’armée française du côté de Francfort-sur-le-Mein, envoya bientôt à Colini un Mémoire contenant les principaux détails de l’avanie du mois de juin 1753, avec un modèle de lettre qu’il engageait son ancien secrétaire à adresser au nouveau maréchal. Colini ne fit aucun usage du Mémoire ni de la lettre. Le Mémoire, selon lui, était dicté par une juste animosité ; mais certains personnages y étaient présentés sous un jour si défavorable qu’il crut devoir, même après la mort de Voltaire, laisser cet écrit dans l’oubli. Quant à la lettre au prince de Soubise, la voici telle qu’on la trouve page 97 des Mémoires de Colini :

    « Monseigneur, permettez qu’un sujet de Sa Majesté impériale, dont Votre Altesse défend la cause, implore votre protection dans la plus juste demande contre le brigandage le plus horrible. Peut-être un mot de votre bouche peut obliger le conseil de Francfort à me rendre justice. Peut-être son attachement à nos ennemis, sa haine contre la France et contre tous les bons sujets de Sa Majesté impériale,