Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce brillant précepteur d’un peuple qu’il éclaire ;
      Mais, au lieu de griller Voltaire,
Ils ne pourront rôtir que son malin écrit.


Je vous en fais mes condoléances. Cependant, tout pesé, tout bien examiné, il vaut mieux le livre que l’homme. Vous devez bien croire que je ne me joindrai pas à ces gens-là ; et, si vous vous plaignez que je vous mords, c’est à mon insu, ou du moins sans intention. Pensez, je vous prie, que je suis environné d’ennemis, pressé de toutes parts. L’on me pique, m’éclabousse ; ici l’on m’insulte ; enfin la patience succombe. L’instinct d’un sentiment trop vif l’emporte sur la voix de la raison, et la colère irritée s’enflamme. Je suis dans quelques moments


      Comme un sanglier écumant
      Qui résiste et qui se défend
Contre les durs assauts d’une meute aguerrie.
      On le poursuit avec furie ;
      Il attaque, il blesse, il pourfend,
      Et donne à propos de sa dent
      Des coups à la race ennemie
      Qui le suit de loin en jappant.
      Trop irrité dans sa colère,
      Il brave le fer inhumain.
Et, brouillant les objets qu’il trouve en son chemin,
Un innocent agneau lui paraît un cerbère.
      L’homme, ainsi que cet animal,
      S’il souffre, irrité par le mal,
Livre à l’instinct des sens sa faible intelligence.
      Sous le despotisme fatal
      De la sanguinaire vengeance,
      Souvent son aveugle fureur
      Confond le crime et l’innocence.
      Le sage, qui voit son erreur.
      Le plaint, le déplore, et soupire ;
      Détournant ses pas sans rien dire,
Il fuit d’un malheureux l’esprit rempli d’aigreur.


Laissez-moi donc ronger mon frein tant que dure cette pénible campagne, et attendez qu’un ciel serein ait succédé à tant d’obscurs nuages. Votre imagination brillante me promène[1] à Vienne ; vous m’introduisez au conseil de chasteté ; mais sachez que l’expérience m’apprend ce que c’est de se frotter à de méchantes femmes.


Hélas ! pensez-vous qu’à mon âge,
Le corps en rut, l’esprit volage,
L’on cherche, d’amour agité,
De Vénus le doux badinage.
Les plaisirs et la volupté ?

  1. Voyez la lettre 3898.