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ture[1]. Rappelez-vous, je vous prie, que notre convention dit qu’on ne dénaturera rien essentiellement aux fonds, et qu’on laissera soixante pieds d’arbres actuels par pose dans la forêt. On en a tant coupé depuis notre traité qu’il s’en faut beaucoup qu’il en reste ce nombre en quantité d’endroits. Ce serait bien pis si on arrachait les troncs par la racine et minait le terrain en beaucoup d’autres endroits, comme dans la partie que j’avais fait exploiter par Charlot, et dans celle qui est voisine d’une terre appelée Tâte à la Vernioude. Mais je ne pense pas que vous ayez donné de pareils ordres ; vous savez bien qu’un usufruitier ne peut pas arracher les futaies, et je sais trop bien qu’après la parole que vous m’avez donnée, vous ne faites rien que vous n’imaginiez être pour le mieux. Il n’y aura jamais de difficulté entre nous. Mais il en peut un jour survenir entre d’autres, et le meilleur moyen de les prévenir est d’assurer l’état actuel des choses en dressant une reconnaissance en forme de la forêt, telle qu’elle vous a été remise en entrant en jouissance. C’est d’ailleurs un article indispensable pour vous, relativement au droit que vous y avez par notre traité. Il est à propos que cela se fasse tout de suite, parce que le terrain étant une fois miné, la reconnaissance de l’ancien état ne pourrait plus se faire, et il en naîtrait peut-être un jour des contestations que nous avons, l’un et l’autre, une égale envie de prévenir. Je vais faire prendre cet état qui vous sera communiqué, puisque nous y avons tous deux le même intérêt ; ne voulant, de plus, rien faire ici ni ailleurs que d’un commun accord avec vous, dont je prise l’amitié plus que tous les bois du monde, et à qui j’ai eu l’honneur de vouer les sentiments les plus parfaits qu’on puisse exprimer et les plus inaltérables. Br.


3960. — À M. DE BRENLES.
Aux Délices, 4 novembre.

Mon cher ami, le plaisir ne laisse pas de fatiguer. Je vais me coucher à dix heures du matin, cela est, comme vous dites, d’un jeune homme de vingt-cinq ans. Permettez que je ne réponde pas de ma main, parce qu’elle est encore toute tremblante de la joie que j’ai eue de voir jouer Mérope par Mme Denis, comme elle l’a été par Mlle Dumesnil dans son bon temps. Il ne manquait que vous à nos fêtes ; j’espère que cet hiver nous viendrons vous enlever, vous et madame votre femme. Vous me direz peut-être qu’il n’est pas fort honnête d’avoir tant de plaisir, dans le temps que les affaires de notre patrie vont si mal ; mais c’est par esprit de patriotisme que nous adoucissons nos malheurs.

  1. Au moment où M. de Brosses écrivait ceci, le bois était déjà converti en pré et M. de Brosses ne l’ignorait pas. Mais il s’efforçait de prévenir l’éclat qui eut lieu plus tard, en maintenant ses droits sans blesser la susceptibilité de Voltaire. (Note du premier éditeur.)