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le lui remettra pas. Il n’y a, au bout du compte, que Trouchin qui fasse des miracles. Je le canonise pour celui qu’il a opéré sur vous, et je prie Dieu, avec tout Genève, qu’il vous afflige incessamment de quelque petite maladie qui vous rende à nous.

Je vous supplie, madame, de ne me pas oublier auprès de M.  d’Épinai et de monsieur votre fils. Permettez aussi que je fasse mes compliments à M.  Linant. Adieu, madame. L’oncle et la nièce vous adorent. Nous allons répéter. V.


3953. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
Au château de Tournay, par Genève, 22 octobre.

Madame, j’ai reçu l’honneur de votre lettre, et le billet que Votre Altesse sérénissime avait eu la bonté d’insérer en son paquet. La personne à qui vous aviez bien voulu faire parvenir ce que j’avais pris la liberté de vous adresser prétend qu’elle n’a point reçu un assez gros paquet, envoyé directement à elle deux jours auparavant, par une voie qui, jusque-là, avait toujours été sûre. Votre Altesse sérénissime permet que je m’adresse dorénavant à elle. Je ne pourrai peut-être de longtemps répondre au petit billet sans adresse[2] ; il faudra, je crois, attendre la fin de la campagne. Les esprits me paraissent bien aigris de tous les côtés. Je vois les malheurs du genre humain augmenter, sans qu’ils produisent le bien de personne. L’Angleterre nous bat, mais elle se ruine. Le prince de Brunswick nous bat aussi ; mais la Hesse est dans un état déplorable. Les Russes ont battu le roi de Prusse ; mais ils n’ont pas de quoi subsister. Le roi de Prusse se soutient ; mais tous ses États souffrent. L’Autriche s’épuise. La France est accablée d’impôts malheureusement nécessaires. La Saxe est aussi désolée que du temps de la bataille de Muhlberg[3], et plus que du temps de Charles XII. Puisse toujours la paix, la tranquillité, l’abondance, régner dans le beau château d’Ernest, que je voudrais revoir avant de mourir ! Je crains toujours que les éclaboussures ne viennent dans vos États ; mais votre sagesse écarte tous les orages. Je me mets aux pieds de Vos Altesses sérénissimes avec le plus profond respect et un attachement éternel.

  1. Editeurs, Bavoux et François.
  2. De Frédéric.
  3. Gagnée par Charles-Quint en 1547.