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livres juifs, que Dieu fit l’homme à son image, crurent Dieu corporel ; et le Pentateuque ne parle jamais de Dieu que comme d’un être corporel.

Dans ce Pentateuque il n’y a pas un seul mot concernant la spiritualité immatérielle de Dieu ni de l’âme humaine. Ceux qui, trompés par quelques mots équivoques, épars dans les prophètes, prétendent que les Juifs avaient quelque idée de l’âme immortelle, et des récompenses et des peines après la mort, devraient considérer qu’ils font de Moïse ou un ignorant bien grossier, puisqu’il n’annonce pas ce que les autres Juifs savaient, ou un fourbe bien malavisé, si, étant instruit de ce dogme si utile, il n’en faisait pas usage.

La défense faite dans le Deutéronome, chap. xviii, de consulter les sorciers ou voyants, les pythons, et de demander la vérité aux morts, n’a rien de commun avec l’espérance d’être récompensé dans la vie future.

Cette défense prouve seulement ce qu’on sait assez, c’est qu’en Égypte, en Chaldée, et en Syrie, il y avait des prophètes, des voyants, des sorciers, qui se mêlaient de prédire. On mettait le crâne ou un autre ossement sous son lit, pour voir en songe l’ombre d’un mort. Ces superstitions très-anciennes ont duré jusqu’à nos jours. Le Pentateuque veut que l’on consulte l’Urim et le Thummim, et non d’autres oracles ; les prêtres juifs, et non d’autres prêtres ; les voyants juifs, et non d’autres voyants.

Au reste, il est prouvé par ce mot de python, qui se trouve dans le Deutéronome[1] que ce livre ne fut écrit que longtemps après la captivité, quand les Juifs commencèrent à entendre parler du serpent Python et des autres fables des Grecs.

Les Juifs ont écrit très-tard, et sont un peuple très-moderne, en comparaison des grandes nations dont ils étaient environnés.

L’ignorance, la superstition, la barbarie des Juifs ne doit avoir aucune influence sur les hommes raisonnables qui vivent aujourd’hui.


3952. — À MADAME D’ÉPINAI.
Aux Délices, 19 octobre.

Voici probablement, madame, la cinquantième lettre que vous recevez de Genève. Vous devez être excédée des regrets ; cependant il faut bien que vous receviez les miens. Cela est d’autant plus juste que j’ai profité moins qu’un autre du bon-

  1. Chapitre xviii, verset 11.