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J’ai la colique, je souffre beaucoup, mais quand je me bats contre l’infâme, je suis soulagé. J’embrasse le prophète bohémien. À demain l’Apparition.


3950. — À M. TRONCHIN. DE LYON[1].
17 octobre.

Je ne joue pas mon rôle à table si bien que sur le théâtre de Tournay. Il est triste de ne se servir de la bouche que pour parler. Rien de nouveau, sinon les révérends pères jésuites chassés de Portugal, envoyés au pape dans un beau vaisseau. Les malins regrettent que ce vaisseau ne soit pas une galère. Je vous embrasse.


3951. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC.

L’état de la question est de savoir si, dans la loi des Juifs, il leur est commandé de croire une autre vie ; si on leur promet le ciel après la mort, et si on les menace de l’enfer.

Or, dans la loi des Juifs, il n’y a pas un seul mot de ces promesses, de ces menaces, ni de cette croyance. Arnauld, dans son Apologie de Port-Royal, l’avoue formellement. « C’est le comble de l’ignorance, dit-il, de ne pas admettre cette vérité, qui est une des plus communes. Les promesses de l’Ancien Testament n’étaient que temporelles et terrestres ; les Juifs n’adoraient un dieu que pour les biens charnels. » Il est indubitable que, dans le temps où l’on prétend que le Pentateuque fut écrit, les Chaldéens, les Syriens, les Perses, les Égyptiens, admettaient l’immortalité de l’âme. Il faut savoir ce que tous les peuples entendaient par ce mot chaldéen ruah, traduit en grec par πνεύμα, et chez les Latins par anima ; il voulait dire souffle, vent, vie, ce qui anime ; et ce mot est toujours pris pour la vie dans le Pentateuque.

Les songes dans lesquels l’on voit souvent ses amis morts, et dans lesquels on s’entretient avec eux, firent aisément croire qu’on avait vu les âmes des morts. Ces âmes étaient corporelles ; c’était un vent, c’était une ombre légère qui avait la figure du corps, c’étaient des mânes. Il n’y a pas un seul mot dans toute l’antiquité, jusqu’à Platon, qui puisse faire croire que l’âme eût jamais passé pour un être absolument immatériel.

Thaut, Sanchoniathon, Bérose, les fragments d’Orphée, Manéthon, Hésiode, tous les anciens qui ont dit, sans connaître les

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.