J’ai fait la pièce tout seul ; je ferai bien le théâtre tout seul. Ce n’est pas ma faute si le généreux président de Brosses n’a pas une galerie plus longue et plus large.
Je suis assez fâché que de mon théâtre à mon plancher il n’y ait que huit pieds de haut ; mais il n’y a qu’à bien jouer, et on oublie alors où on est. Ces représentations sont faites entre amis, c’est comme si on lisait au coin du feu.
Ma douleur, madame, est encore plus forte que ma maladie ; il faut que mon état me permette au moins de dicter mes sentiments, si je ne peux les écrire moi-même. Je partage toute votre inquiétude ; vous avez sans doute dépêché un exprès pour vous informer du sort de monsieur votre fils. J’ai été saisi à la nouvelle de cette abominable journée[1]. S’il est vrai que M. de Contades[2] ait exposé son armée à une batterie de quatre-vingts canons, comme on le dit, cela ne peut ni se comprendre ni être assez déploré. Une faute de jugement fait donc le deuil et la ruine de la France ! Vos chagrins dans ce moment occupent toute mon âme ; si vous avez un moment à vous, je vous demande en grâce d’envoyer chercher Colini, et de m’instruire par lui de l’état de votre fils et du vôtre.
Adieu, madame ; ceux qui disent que tout est bien sont des fanatiques bien haïssables. Ce que je souffre de corps et d’esprit m’empêche de vous en dire davantage ; mais je n’en suis pas moins sensible à tout ce qui vous touche, et personne ne vous est attaché, madame, avec un plus tendre respect que moi.
Il y a longtemps, mon cher président, que M. Tronchin est informé qu’il doit payer. Nous n’y faisons pas tant de façons. Quand M. Le Bault m’envoie de son burgundien, il tire sur