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Je voudrais jouir avec vous de mon bonheur. Adieu, monsieur. Pourquoi m’écrivez-vous du très-humble ? Fi ! cela n’est pas philosophe.


3894. — À MADAME DE FONTAINE.
Aux Délices, 27 juillet.

Continuez, aimez la campagne, ma chère nièce : c’est vie de patriarche. Aimez votre terre ; plus vous la travaillerez, plus vous vous y plairez. Je vous plains seulement d’être trop grande dame, et de recevoir le produit des terres des autres, sans vous donner le plaisir de l’agriculture. Le blé qu’on a semé vaut bien mieux que celui qu’on recueille des moissons d’autrui. Je vais me servir de mon beau semoir à cinq tuyaux, et cette pièce de menuiserie me fait plus de plaisir que des pièces de théâtre.

Voici le temps où il sied bien de vivre du produit de ses terres ; tous les impôts sont augmentés. Il faut bien de quoi repousser les pirateries anglaises. Vous qui d’ailleurs êtes à peu près alliée au contrôleur général, vous trouverez qu’il a raison : car il faut ou se défendre ou recevoir la loi, il n’y a pas de milieu. Je ne vois pas comment on ne prie point MM.  Pâris, Marquet, Pavée, et cent autres entrepreneurs, de prêter au roi soixante millions à deux et demi pour cent sur ce qu’ils ont gagné ; mais il ne m’appartient pas de me mêler des affaires d’État, je ne dois songer qu’à ma chevalerie, et surtout à vous.

Le roi de Prusse s’avise toujours de m’honorer de ses lettres ; il a toujours des droits sur mon imagination ; il n’en aura jamais guère sur mon cœur. Il me mande[1] qu’il a trouvé une Pucelle d’Orléans, une grosse Jeanne qui se bat comme Jeanne d’Arc, et qui exhorte ses troupes, au nom de Dieu, à exterminer les papistes et les Autrichiens. Il ne la dépucellera ni ne la payera.


3895. — À M.  TRONCHIN, DE LYON[2].
Délices, 28 juillet.

On dit M.  de Bompart battu et tué, et le Canada très en danger, malgré le capitaine Caron. À l’égard de la descente en Angleterre, si j’étais du métier des meurtriers, j’aimerais beaucoup

  1. Voyez la lettre 3882.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.