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Paris ! J’aime mon czar qui, dans un clin d’œil, allait bâtir à Archangel, à Astracan, sur la mer Noire, sur la mer Baltique. Mon Dieu, que vous êtes casaniers !

Dites-moi donc comment se trouve M.  le comte de Choiseul de son voyage ; ne sera-t-il pas bien excédé de l’étiquette de la cour de Vienne ? Vous n’auriez point d’étiquette en Suisse, vous régneriez comme vous voudriez. Si je n’avais pas acquis des terres qui me tournent la tête, je supplierais M.  le duc de Choiseul de me donner un consulat au Grand-Caire ou en Grèce. J’enrage de mourir sans avoir vu les pyramides et les ruines du théâtre d’Eschyle.


3888. — À MADAME D’ÉPINAI.

Mme  Denis est un gros cochon qui prétend ne pouvoir écrire parce qu’il fait trop chaud ; et moi, malgré mon apoplexie, j’écris comme Gauffecourt. Je brave les saisons, et je boude ma philosophe, qui ne veut point de nous, qui n’aime que Genève, qui ne veut point venir parler avec nous de l’infâme. Je me ferai dévot, et les dévotes viendront me donner des lavements, puisque ma philosophe et mon prophète[1] m’abandonnent.


3899. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
Juillet.

Mon divin ange, que vous dirai-je ? Rien qui ne soit dans le paquet ci-joint. Votre chambrier d’Espagnac, le président de Brosses, l’intendant, les fermiers généraux, et mes maçons, ont conjuré ma perte. Les chevaliers et les czars ne s’en trouveront pas mieux. Je suis malade, les affaires me pilent. Je baise les ailes des anges pour me consoler.


3890. — À MADAME D’ÉPINAI.

Comment se porte ma philosophe ? Est-il vrai qu’on a ôté à Gauffecourt son sel ? Mais, si le sel s’évanouit, avec quoi salera-t-on, comme dit l’autre[2] ?

Certain sermon salé[3] est-il copié ? Y a-t-il quelque nouvelle ? C’est une belle chose que la santé.

  1. Grimm, auteur du Petit Prophète de Boehmischbroda (1753).
  2. Saint Matthieu, v, 13.
  3. S’agit-il du Sermon des cinquante, qui fut imprimé chez Mme  d’Épinai ? (G. A.)