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Hollandais ; il me paraît aussi bien fait qu’il puisse l’être. Il me semble qu’on n’écrivait point ainsi autrefois ; les affaires publiques étaient traitées ou avec une sécheresse rebutante, ou avec une emphase ridicule ; vous me paraissez aussi bons écrivains que bons marins.

Votre Milton me devient bien précieux puisqu’il vous a appartenu. Je le conserverai comme un monument de votre amitié. J’ai appris par les papiers publics la mort de M.  Falkener, mon ancien ami. J’en suis sensiblement affligé ; ce sera une grande consolation pour moi de retrouver en vous les sentiments dont il m’avait toujours honoré.

Il me semble qu’on imprima l’année passée des mémoires concernant la Russie par le lord Withworth ; si vous aviez un moment à vous je vous supplierais de vouloir bien me dire si ces mémoires sont en effet de ce ministre, et s’ils sont estimés. Je dois supposer, par tout ce qu’on m’en a dit, qu’ils sont assez curieux. Je n’ose vous supplier de me les faire parvenir : il n’y aurait qu’à les envoyer par la poste, par la voie de Hollande, en feuilles, afin que cela n’eût point l’air d’un livre dont la poste ne se chargerait pas. Cet ouvrage m’est plus nécessaire qu’à personne, étant chargé par la cour de Pétersbourg de faire l’histoire de Pierre le Grand. Je commence même à faire imprimer le premier volume ; ainsi il n’y aurait pas un moment à perdre. Je ne sais aucune nouvelle de littérature. Il me paraît que la dernière comète n’a pas fait grand bruit : on est si occupé des affaires de terre et de mer que les célestes sont oubliées de toutes façons.

J’ai l’honneur d’être bien véritablement et de tout mon cœur, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.

3876. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Reich-Hennersdorf, 20 juin 1759.

Si j’étais du temps de l’ancienne chevalerie, je vous aurais dit que vous en avez menti par la gorge, en avançant au public que je vous ai écrit[1] pour défendre mon Histoire de Brandebourg contre les sottises qu’en dit un abbé en ic ou en ac[2] : je me soucie très-peu de mes ouvrages ; je n’ai

  1. Dans la première édition de l’Ode sur la mort de la princesse de Baireuth, la note avait un P. S. (voyez tome VIII, les variantes) qui commençait ainsi : « Sur une lettre du roi de Prusse, je suis en droit de réfuter ici, etc. »
  2. Caveyrac ; voyez la lettre 3808.