Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Vous avez le nez fin, et moi aussi ; cela ne vaut pas le diable, et cela fut corrigé un quart d’heure après avoir eu l’impertinence de vous l’envoyer.

Je vais sortir du Kamtschatka[1], où je suis à présent, et j’aurai l’honneur de vous envoyer la pièce avant qu’il soit un mois ; mais, avant ce temps-là, il se pourrait bien faire que je couchasse par écrit un beau mémoire dans lequel je m’accuserais de l’énorme bêtise de m’être fié à des billets de garantie pour les privilèges de ma terre de Tournay.

M. d’Argental s’étant bien voulu charger des finances du sieur Pesselier[2], il les enverra quand il pourra ; je ne suis pas pressé d’argent. De quoi s’avise Pesselier, de gouverner les finances ? A-t-il trouvé quelque chose de mieux que les actions sur les fermes ? Cependant, si M. d’Argental a la condescendance de m’envoyer cet écrit, ne peut-il pas le faire contre-signer ? Je le mettrai dans les rayons de ma petite bibliothèque destinés aux faiseurs de projets ; j’en ai déjà bon nombre.

Dites-moi donc, mes anges, n’avez-vous pas douze mille parmesans au moins par an ? Mais aussi n’êtes-vous pas obligés d’avoir une plus grosse maison ? Je me flatte que vous avez renoncé entièrement à la grand’chambre ; c’est un cul-de-sac bien ennuyeux. Et puis, quel bavard que cet avocat général[3] !

Mes anges, je suis plus que jamais votre Suisse V.


3875. — À M. GEORGE KEATE[4],
nandos koffee-house[5], london.
Aux Délices, près de Genève, 20 juin 1759.

Ma mauvaise santé, monsieur, m’a empêché de vous remercier plus tôt ; et me prive même de l’honneur de vous écrire de ma main. J’ai lu avec un très-grand plaisir le mémoire contre les

  1. l’Histoire de Russie sous Pierre le Grand, où Voltaire parle du Kamtschatka ; voyez tome XVI, page 412.
  2. L’idée générale des finances, par Pesselier, est un volume in-folio portant le millésime 1759.
  3. Omer Joly de Fleury.
  4. Communiquée à l’Illustrated London News, par M. John Henderson, esq., possesseur de l’original, qui est de la main d’un secrétaire. — George Keate, écrivain agréable, était né vers 1729 ou 1730. Il avait habité quelque temps Genève, où il connut Voltaire, et, de retour en Angleterre, il resta en correspondance avec lui.
  5. Nandos Koffee-House était à la pointe est d’Inner Temple-lane, dans Fleet-street, tout près de la boutique de Bernard Lintot, le libraire, (Voyez Cunning-ham’s handbook of London, page 348.)