Pour moi, je ne m’occupe que de mon czar Pierre ; j’aime les créateurs : tout le reste me paraît peu de chose. Je suis bien aise de faire voir que les héros n’ont pas la première place dans ce monde. Un législateur est, à mon sens, bien au-dessus d’un grenadier ; et celui qui a formé un grand empire vaut bien mieux que celui qui a ruiné son royaume.
Si M. de Silhouette continue comme il a commencé, il faudra lui trouver une niche dans le temple de la Gloire, tout à côté de Jean-Baptiste Colbert[1]. Je vous en donnerai une dans le temple de l’Amitié, si vous m’écrivez quelquefois. Vos lettres contiennent toujours des choses intéressantes, et font toujours grand plaisir à l’oncle et à la nièce.
Mandez-moi si vous êtes heureux pour avoir quelques actions dans les fermes générales. Je crois que ce sera le meilleur bien du royaume ; mais, pour moi, je donne la préférence à mes bœufs, à mes chevaux, à mes moutons, et à mes dindons ; et je préfère la vie patriarcale à tout. Quand vous viendrez me voir, je ferai tuer un chevreau, je répandrai de l’huile sur une pierre[2], et nous adorerons ensemble l’Éternel.
Cette dépêche sicilienne doit être adressée à madame l’Envoyée de Parme, qui s’est donné la peine de faire un si beau mémoire, et de l’écrire tout entier de sa main[3]. Il paraît bien qu’elle doit partager toutes les négociations de monsieur l’Envoyé ; elle connaît à fond toutes les affaires de la Sicile[4] ; toutes ses réflexions sont justes, profondes, et fines ; ses raisonnements, forts et pressants, bien déduits, clairement exposés, prouvés, appuyés. C’est un petit chef-d’œuvre que ce mémoire ; et, ce qui n’est jamais arrivé et n’arrivera plus, c’est que l’auteur adopte sans restriction toutes les critiques qu’elle a eu la bonté d’envoyer. Il en a fait aussi honneur à tous les anges, et baise le bout de leurs ailes avec une profonde humilité et les remerciements les plus tendres et les plus sincères.