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s’est tant réjoui, jamais on n’a inventé tant de plaisanteries, tant de nouveaux amusements. Je ne sais rien de si sage que ce peuple de Paris, accusé d’être frivole. Quand il a vu les malheurs accumulés sur terre et sur mer, il s’est mis à se réjouir, et a fort bien fait : voilà la vraie philosophie. Je suis un vieillard très-indulgent ; il faut, en plaignant les malheureux, applaudir à ceux qui… (narguent ou rient) de leurs malheurs.

Je renouvelle mes remerciements très-humbles à Votre Altesse sérénissime ; sa protection, au sujet des paperasses[1] touchant le czar, fait ma consolation. Je me mets à ses pieds avec le plus profond respect.


Le Suisse V.

3867. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Juin.

Vos derniers vers[2] sont aisés et coulants ;
Ils semblent faits sur les heureux modèles
Des Sarrasin, des Chaulieu, des Chapelles.
Ce temps n’est plus ; vous êtes du bon temps.
Mais pardonnez au lubrique évangile
Du bon Pétrone, et souffrez sa gaîté.
Je vous connais, vous semblez difficile,
Mais vous aimez un peu d’impureté
Quand on y joint la pureté du style.
Pour Maupertuis, de poix-résine enduit,
S’il fait un trou jusqu’au centre du monde,
Si dans ce trou malemort le conduit,
J’en suis fâché : car mon âme n’abonde
En fiel amer, en dépit sans retour.
Ce n’est pas moi qui le mine et le tue ;
Ah ! c’est bien lui qui m’a privé du jour,
Puisque c’est lui qui m’ôta votre vue.


Voilà tout ce que je peux répondre, moi malingre et affublé d’une fluxion sur les yeux, au plus malin des rois et au plus aimable des hommes, qui me fait sans cesse des balafres, et qui crie qu’il est égratigné. Balafrez MM. de Daun et de Fermor, mais épargnez votre vieille et maigre victime.

Votre Majesté dit qu’elle ne craint point notre argent. En vérité, le peu que nous en avons n’est pas redoutable. Quant à

  1. Mémoires que devait, lui communiquer Mme de Bassewitz.
  2. Ceux de la lettre 3849.