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une patente. Si vous aviez la bonté de dire à MM. Faventine, Douet ou autres, que le roi m’a accordé un brevet de franchise de tous droits à Ferney, et que vous regardez ce brevet comme une conséquence des droits que M. de Brosses m’a transmis à Tournay ; si enfin vous pouviez leur remontrer que, la chose étant litigieuse, on doit pencher du côté de la faveur ; si du moins vous daigniez exiger d’eux un délai pendant lequel il se pourrait, à toute force, que je fusse assez insolent pour demander un petit mot de confirmation pour Tournay, je vous aurais la plus sensible obligation du monde.

Vous autres, messieurs du conseil, vous n’aimez pas trop les gens qui veulent être libres ; mais daignez considérer que j’ai l’honneur d’être Suisse, que vous m’avez toujours un peu aimé, et vous pouvez me rendre le plus heureux mortel qui respire.

Voulez-vous bien permettre que je vous envoie le mémoire des fermiers généraux noté de remarques de Mathanasius ?

Recevez mes impertinentes prières et mes tendres respects.


Le Suisse V.

3862. — À M. LE CONSEILLER LE BAULT[1].
Aux Délices, près de Genève, 4 juin 1759.

Monsieur, pardonnez à mon importunité ; il ne s’agit que d’une vache, c’est le procès de M. Chicaneau, mais vous verrez par la lettre ci-jointe d’un procureur de Gex qu’une vache dans ce pays-ci suffit pour ruiner un homme ; c’est en partie ce qui contribue à dépeupler le pays de Gex, déjà assez malheureux ; les procureurs sucent ici les habitants, et les envoient ensuite écorcher aux procureurs de Dijon. Un nommé Chouet, ci-devant fermier de la terre de Tournay, veut absolument ruiner un pauvre homme nommé Sonnet, et ledit Chouet étant fils d’un syndic de Genève, croit être en droit de ruiner les Français ; il a surpris la vache de Sonnet mangeant un peu d’herbe dans un champ en friche, lequel champ je certifie n’avoir été labouré ni semé depuis plusieurs années. Un grand procès s’en est ensuivi à Gex, l’affaire a été ensuite portée au parlement : il y a déjà plus de frais que la vache ne vaut. Je suis si touché d’une telle vexation que je ne peux m’empêcher d’implorer vos bontés pour un Français qu’on ruine bien mal à propos. Voudriez-vous, monsieur,

  1. Éditeur, de Mandat-Granccy. — En entier de la main de Voltaire. (Note du premier éditeur.)