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au temple d’Esculape, que d’aller dans ses terres de Bresse ; si quelqu’un dans le monde est capable de le guérir, c’est M. Tronchin. Ses amis devraient l’engager à prendre ce parti. Il y a moins loin de ses terres à Genève qu’en Languedoc[1].

Il est bien triste de voir un homme aussi estimable dans un si triste état. Adieu, monsieur, les malades comme moi écrivent peu ; mais vous ne doutez pas des sentiments qui m’attachent à vous. Ils sont si vrais que j’ose supprimer les cérémonies. V.


3203. — À M. THIERIOT.


Le succès fait la renommée[2].


Vous le voyez bien, mon ancien ami ; une lettre anonyme que je reçois, selon ma coutume, m’apprend qu’on imprime une critique dévote[3] contre mes ouvrages ; mais ces gens-là seront forcés d’avouer que je suis prophète. M. le maréchal de Richelieu a bien voulu témoigner à son Habacuc le gré qu’il lui savait de ses prédictions en daignant me mander ses succès le jour de la capitulation. J’ai su sa gloire aux Délices avant qu’on la sût à Compiègne. Vous n’imagineriez pas ce que c’était que ce fort Saint-Philippe : c’était la place de l’Europe la plus forte. Je suis encore à comprendre comment on en est venu à bout. Dieu merci, vous autres Parisiens, vous ne regretterez plus M. de Lowendahl. Votre damné vous a-t-il dit tout ce qui se passe en Allemagne ? Je regarde les affaires publiques à peu près du même œil dont je lis Tite-Live et Polybe.


Non me agitant populi fasces, aut purpura regum,
Aut conjurato descendens Dacus ab Histro.

(Vitg., Georg., lib. II, v. 495-97.)

J’attends, avec quelque impatience, le brillant philosophe d’Alembert[4] ; peut-être va-t-il plus loin que Genève, mais il y a apparence qu’il prendrait mal son temps. À l’égard du philo-

  1. M. de La Marche était allé consulter la Faculté de Montpellier.
  2. Trente-sixième vers de la lettre du 3 mai 1756 à Richelieu.
  3. C’était peut-être quelque mandement. Du reste, ce fut vers cette époque que parut l’Anti-Naturaliste, ou Examen du poème de la Religion naturelle ; Berlin, 1756, in-8° de 21 pages.
  4. Il passa quelques jours aux Délices, avec Patu, dans le mois d’août suivant.