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accablé d’amitiés et de présents. J’ai été obligé de le renvoyer. Je ne me suis jamais trompé sur son caractère, et je sais combien il est difficile de trouver des hommes.

Je vous avoue que j’en prendrais bien volontiers un de votre main ; mais j’ai toute ma famille auprès de moi, et un très-grand nombre de domestiques, de sorte qu’il ne me reste pas un logement à donner. Mme Denis vous fait les plus tendres compliments. Je vous prie, mon cher ami, de ne nous pas oublier auprès de M. et de Mme de Klinglin.

Je vous plains toujours d’être à Colmar, et, en vous regrettant, je me sais bon gré d’être aux Délices. Je ne connais en vérité d’autre chagrin que celui d’être séparé de vous. Vous avez une femme aimable, de jolis enfants. Soyez heureux, s’il est possible de l’être. Je vous embrasse tendrement. V.


3197. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU[1].
Aux Délices, juillet.

Mon héros, je vais aussi brûler de la poudre ; mais je tirerai moins de fusées que vous n’avez tiré de coups de canon. Ma prophétie a été accomplie encore plus tôt que je ne croyais, en dépit des malins qui niaient que je connusse l’avenir et que vous en disposassiez si bien. Je vous vois d’ici tout rayonnant de gloire.


Ce n’est plus aux Anacréons
De chanter avec vous à table ;
La mollesse de leurs chansons
N’aurait plus rien de convenable
À vos illustres actions.
Il n’appartient plus qu’aux Pindares
De suivre vos fiers compagnons,
Aux assauts de cent bastions,
Devers les îles Baléares.
J’attends leurs sublimes écrits ;
Et s’il est vrai, comme il peut l’être,
Qu’il soit parmi vos beaux esprits
Peu de Pindares dans Paris,
Vos succès en feront renaître.

Ils diront qu’un roi modéré
Vit longtemps avec patience


  1. C’est à tort, croyons-nous, qu’on a toujours donné à cette lettre la date du 27 juillet ; elle doit être du 7. (G. A.)