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3195. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
Aux Délices, 5 juillet.
(À vous seul.)

Pardonnez à mes importunités, mon héros. Je me flatte que vous prendrez, ce mois-ci, le rocher et les Anglais. Tant mieux que la besogne soit difficile, vous en aurez plus de gloire. Vous connaissez Paris et Versailles ; vous savez comme on a murmuré que la ville de l’Europe la plus forte après Gibraltar n’ait pas été prise en quatre jours ; et, si vous aviez pu l’emporter d’emblée, on aurait dit : Cela était bien aisé. Vous triompherez des difficultés, des Anglais, des sots, et des jaloux.

Tronchin est revenu de Paris ; il en a été l’idole, et jamais idole n’a reçu plus d’offrandes. Il a tout vu, tout entendu ; il connaît tous ceux qui osent vous porter envie. Une certaine personne[1] lui a parlé avec une confiance étonnante. « Je n’ai qu’un reproche à me faire, lui a-t-elle dit, c’est d’avoir fait du mal à M. de M…[2] ; mais j’ai été trompée, etc., etc. »

On a parodié la petite lettre que j’avais eu l’honneur de vous écrire ; tant mieux encore. Je vais préparer des fusées, et je compte donner un feu le jour que j’apprendrai que vous êtes entré dans la place. En vérité, vous devriez bien me faire savoir par un de vos secrétaires dans quel temps à peu près vous souperez dans le fort Saint-Philippe ; vous feriez là une bonne œuvre. Élève du maréchal de Villars et son successeur, battez les ennemis de la France et les vôtres.

Il y a dans le monde un petit coin de terre où vous êtes adoré. Le lac de Genève retentit de votre nom. Recevez mes vœux, mon encens, mon attachement, mon tendre respect.


3196. — À M. DUPONT,
avocat.
Aux Délices, 6 juillet.

Mon cher ami, il est vrai que l’homme en question[3] s’est conduit avec ingratitude envers ma nièce et moi, qui l’avions

  1. Ce doit être Mme de Pompadour.
  2. Il s’agit de Maupertuis.
  3. Colini.