mon attachement et ma douleur ? Il est impossible à mon cœur de retenir ses mouvements.
J’ose me joindre ici à la grande maîtresse des cœurs, à tout ce qui vous entoure, madame, pour pleurer à vos pieds et à ceux de monseigneur le duc ; mais aussi je me joins à eux pour voir dans les princes vos enfants (que Dieu conserve !) les plus grandes et les plus chères espérances, comme la meilleure consolation[1].
Quand pourrai-je, madame, venir partager tous ces sentiments, admirer les vôtres, jouir de vos bontés, et renouveler à Votre Altesse sérénissime, à monseigneur, à toute votre auguste maison, tous mes vœux, avec mon tendre et profond respect !
Mon très-cher ange, j’ai fait venir les frères Cramer[2] dans mon ermitage. Je leur ai demandé pourquoi vous n’aviez pas eu, le premier, ce recueil de mes folies en vers et en prose : ils m’ont répondu que le ballot ne pouvait encore être arrivé à Paris. Ils disent que les exemplaires qui sont entre les mains de quelques curieux y ont été portés par des voyageurs de Genève ; ils en sont la dupe. Lambert a attrapé un de ces exemplaires, et travaille jour et nuit à faire une nouvelle édition. Comment avez-vous pu soupçonner, mon cher ange, que j’aie négligé le premier de mes devoirs ? Votre exemplaire devait vous être rendu par un nommé M. Dubuisson. Le Dubuisson et les Cramer disent qu’ils n’ont point tort ; et moi, je dis qu’ils ont très-grand tort, puisque vous êtes mal servi.
Je n’ai point vu les feuilles de Fréron ; je savais seulement que Catilina[3] était l’ouvrage d’un fou, versifié par Pradon ; et Fréron n’en dira pas davantage. C’est cependant à ce détestable ouvrage qu’on m’immola pendant trois mois ; c’est cette pièce absurde et gothique à laquelle on donna la plus haute faveur.
L’ouvrage de La Beaumelle est bien plus mauvais et bien plus coupable qu’on ne croit : car qui veut se donner la peine de lire avec examen ? C’est un tissu d’impostures et d’outrages faits à toute la maison royale et à cent familles. Il est juste que ce
- ↑ La copie que nous avons sous les yeux porte éducation. (A. F.)
- ↑ Voyez lettres 3144 et 3176.
- ↑ Tragédie de Crébillon, 1748.