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style avec les phrases entortillées de nos petits romans ; je vous cite les héroïnes de votre sexe, parce que vous me paraissez faite pour leur ressembler. Il y a des pièces de Mme Deshoulières qu’aucun auteur de nos jours ne pourrait égaler. Si vous voulez que je vous cite des hommes, voyez avec quelle clarté, quelle simplicité notre Racine s’exprime toujours. Chacun croit, en le lisant, qu’il dirait en prose tout ce que Racine a dit en vers. Croyez que tout ce qui ne sera pas aussi clair, aussi simple, aussi élégant, ne vaudra rien du tout.

Vos réflexions, mademoiselle, vous en apprendront cent fois plus que je ne pourrais vous en dire. Vous verrez que nos bons écrivains, Fénelon, Bossuet, Racine, Despréaux, employaient toujours le mot propre. On s’accoutume à bien parler, en lisant souvent ceux qui ont bien écrit ; on se fait une habitude d’exprimer simplement et noblement sa pensée sans effort. Ce n’est point une étude ; il n’en coûte aucune peine de lire ce qui est est bon, et de ne lire que cela ; on n’a de maître que son plaisir et son goût.

Pardonnez, mademoiselle, à ces longues réflexions ; ne les attribuez qu’à mon obéissance à vos ordres.

J’ai l’honneur d’être avec respect, etc.


3190. — À M. THIERIOT[1].
Aux Délices, 26 juin.

Vous ne savez ce que vous dites, mon cher et ancien ami, et vous faites toujours quelque quiproquo. Vous vous imaginez d’abord qu’il est question d’un intérêt d’argent pour vous, quand je vous mande que, si vous laissez subsister la note sur Bayle, elle pourra faire tort a l’èditeur. Il était bien question de cela ! Vous allez vous plaindre à M. d’Argental que j’ai supposé que Lambert vous faisait un présent ! Quel présent pouvait-il vous faire pour une telle bagatelle ? Et, quand je vous écris que vous n’avez pas entendu le passage de ma lettre, vous me répondez comme si je vous avais écrit que vous n’entendiez pas un passage de mon ouvrage : ayez donc un peu plus d’attention et des idées plus nettes.

Songez bien que je vous demande si Lambert compte ajouter des pièces fugitives, que je n’ai point, à celles que les Cramer ont

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.