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bons mémoires, il a noyé le peu de vérités inutiles que contiennent les Mémoires de Dangeau, de Hébert, de Mlle d’Aumale, dans un fatras d’impostures de sa façon. Il a trouvé le vrai secret d’être lu et d’être méprisé.

Il avance hardiment que le premier dauphin épousa Mlle Choin. J’ai toujours entendu dire à ceux qui ont vécu avec elle, et surtout à Mme de Villefranche et à Mme de Bolingbroke[1], que c’était un conte ridicule[2]. Si vous avez pu, mon cher et respectable ami, déterrer un peu de vérité parmi les anecdotes d’erreur dont le monde est plein, daignez, à vos heures perdues, vous amuser à m’instruire, afin que je sorte au plus tôt du bourbier désagréable de l’histoire, pour me donner tout entier aux choses que vous aimez.

Vous n’aurez de moi que ce feuillet, une bouteille d’encre est tombée sur l’autre. Mme Denis et Mme de Fontaine vous embrassent. Cette Fontaine, la ressuscitée, est tout étonnée de ma maison et de mes jardins. Elle dit que cela serait bien beau auprès de Paris ; mais je ne le crois pas.


3187. — À M. THIERIOT.
Aux Délices, 16 juin.

Je ne suis pas étonné qu’on dévore ce ramas d’anecdotes où, parmi quelques vérités indifférentes, tirées des Mémoires de Dangeau, de Huber, etc., tout fourmille de faussetés, de contradictions, et d’impostures. Le mensonge n’a jamais parlé avec tant d’impudence. Cela est fait pour être lu des ignorants oisifs, méprisé des sages, et pour indigner les gens en place. De quel front ce malheureux ose-t-il assurer que Monseigneur épousa Mme Choin, et que Mme de Berry se maria au comte de Riom ? Quand on avance de tels faits, il faut avoir ses garants. Il était réservé à ce siècle qu’un gredin parlât de la cour comme s’il y avait joué un rôle. Il prend la peine de combattre de temps en temps le Siècle de Louis XIV, et il porte la démence jusqu’à citer des passages qui n’y ont jamais été.

Je suis bien aise que ce soit un pareil coquin qui ait écrit

  1. Née Deschamps de Marsilly ; mariée d’abord au marquis de Villette-Murçai, père de Mme de Caylus ; et ensuite à Bolingbroke.
  2. Ce fut toujours l’opinion de Voltaire, Mais M. Monmerqué, éditeur des Souvenirs de Mme de Caylus (en 1828), n’est pas de cette opinion : il s’appuie sur les Mémoires complets et authentiques de Saint-Simon, tels qu’ils ont été publiés depuis (1829-30, en vingt-un volumes in-8°) et sur les Mémoires de Mlle d’Aumale.