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l’on a imprimée à Paris, et vous verrez par l’avis des éditeurs que la morale de ses ouvrages a autant d’approbateurs que de lecteurs. Dès que M. de Voltaire pourra trouver quelque chose digne de vous être communiquée, il ne manquera pas de vous l’envoyer à l’adresse que vous lui avez indiquée. Il n’a rien de plus à cœur que de vous témoigner les sentiments d’estime et d’attachement que vous lui avez inspirés.

J’ai l’honneur d’être, monsieur, etc.

Colini.

3179. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 4 juin.

Je vous ai envoyé, mon cher ange, mes sermons sous l’enveloppe de M. Bouret ; mais, comme je me suis avisé de voyager un mois dans la Suisse, il se peut faire qu’il y ait eu quelque retardement dans l’envoi.

Vous voyez que la famille des Tronchin est dévouée aux arts ; mais l’auteur aura des succès moins brillants que l’inoculateur. Il vaut mieux suivre Esculape qu’Apollon. On a corrigé le Nicèphore et l’Alexis selon vos vues, mais non selon vos désirs. L’Alceste est très-bien entre les mains de Mme Denis, puisque cela l’amuse, et que de plus c’est le triomphe des femmes. Pour moi, je vous avoue que je n’aurais jamais osé traiter un pareil sujet. Je doute fort que Racine en ait eu l’idée. Alceste peut faire à l’Opéra le plus grand effet. Il eût été à souhaiter que Quinault eût fait Alceste après Armide, dans le temps de la force de son génie, et qu’il eût eu Rameau pour musicien.

Je ne protesterai point votre lettre de change pour une tragédie, mais je demanderai du temps pour vous payer. Les éditions de mes anciennes rêveries prennent le peu de temps que ma misérable santé me laisse. Il faut joindre le Siècle de Louis XIV à un tableau du monde entier depuis Charlemagne. Vous m’avouerez qu’il est difficile qu’un malade puisse d’une main arranger le monde et de l’autre faire une tragédie. Au reste, quand j’en ferai une, je sens bien que je travaillerai pour des ingrats ; mais je travaillerai pour vous, mon cher ange, et vous me tiendrez lieu du public. Je suis assez animé quand c’est à vous que je veux plaire ; mais, quand vous aurez une pièce du pays des Allobroges, songez que l’on fait souvent des pièces allobroges à Paris ; alors vous me jugerez avec indulgence.

Auriez-vous lu ce recueil de Lettres[1] de Mme de Maintenon, de

  1. Recueillies et retouchées par La Beaumelle ; Amsterdam, 1756, 9 vol. in-12.