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CORRESPONDANCE.

de moi : Félix nimium ! sua nam bona novit[1]. Quelle nouvelle sottise avez-vous dans votre pays ? Intérim, vale.


3713. — À M. LE PRÉSIDENT DE BROSSES[2].
Aux Délices, 10 décembre 1758.

J’aurai l’honneur, monsieur, d’être à vos ordres demain matin à Tournay[3] ; je vous offrirai des œufs et du fromage à Ferney ; j’espère que nous reviendrons coucher à l’ermitage des Délices.

Ne soyez en peine ni de votre château ni de votre forêt ; j’édifie plus que je ne détruis (je parle d’édifice et non d’édification), et je plante plus que je n’arrache. Mais vous savez qu’un Suisse ne peut être gêné. Tronchin s’est bien trouvé de m’avoir laissé la bride sur le cou. Il y a un article qu’il faudra expliquer, c’est celui des troupeaux qui vous resteront à ma mort. Vaches et moutons avec le chien, oui ; mais bœufs et chevaux, non. La raison est que j’aurai probablement un haras à Tournay, et que les bœufs qui exploiteront la terre seront ceux de Ferney, qui sont au nombre de seize. Je deviens patriarche. Si vous vous fiez à moi, vous y gagnerez ; si vous vous défiez, vous y perdrez. Mais vous ne perdrez jamais les sentiments qui m’attachent à vous. V.


3714. — BAIL À VIE DE LA TERRE DE TOURNAY[4].

L’an mil sept cent cinquante-huit, et le onze décembre après midi, pardevant le notaire royal au bailliage de Gex, soussigné ; et en présence des témoins ci-après nommés, fut présent haut et puissant seigneur messire Charles de Brosses, baron de Montfalcon, président à mortier au parlement de Bourgogne, demeurant à Dijon, lequel a par ces présentes remis à titre de bail à vie, avec promesses de faire jouir, à commencer le vingt-deuxième février prochain, à messire François-Marie Arouet de Voltaire, chevalier, genlilhomme ordinaire de la chambre du roi, demeurant aux Délices-sur-Saint-Jean, ici présent et acceptant ; assavoir le château, terre et seigneurie de Tournay, granges, écuries, prés, terres, vignes hautes et basses, bois, la forêt, droits seigneuriaux honorifiques, la dime en dépendant, les censives et droits seigneuriaux dus et relevant du château de Tournay, auquel effet le terrier dudit Tournay lui sera remis ledit jour pour les

  1. Allusion au vers 458 du livre II des Géorgiques.
  2. Éditeur, Th. Foisset.
  3. Voltaire écrivait ordinairement Tourney. Ses secrétaires écrivaient tantôt ainsi, et tantôt Tournay. M. de Brosses avait adopté cette dernière orthographe. Le véritable nom est Tourney (anciennement Tornex.). (Note du premier éditeur.)
  4. Éditeur, Th. Foisset.