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ANNÉE 1758.

auguste sœur, six mois avant sa mort. Je fis ce que je pus pour engager Son Altesse royale à se mettre entre les mains de Tronchin ; elle se confia à des ignorants entêtés, et Tronchin m’annonça sa mort deux mois avant le moment fatal. Je n’ai jamais senti un désespoir plus vif. Elle est morte victime de sa confiance en ceux qui l’ont traitée. Conservez-vous, sire, car vous êtes nécessaire aux hommes.


3709. — DE M. HELVÉTIUS[1].

Vous ne doutez pas, monsieur, que je ne vous eusse adressé un exemplaire de mon ouvrage le jour même qu’il a paru, si j’avais su où vous prendre ; mais les uns vous disaient à Manheim, les autres à Berne, et je vous attendais aux Délices pour vous envoyer ce maudit livre qui excite contre moi la plus violente persécution. Vous saurez qu’il est supprimé, que je suis dans une de mes terres à trente lieues de Paris, que dans ce moment il ne m’est pas possible de vous en envoyer, parce qu’on est trop animé contre moi. J’ai fait les rétractations qu’on a voulues, mais cela n’a point paré l’orage, qui gronde maintenant plus fort que jamais. Je suis dénoncé à la Sorbonne, peut-être le serai-je à l’assemblée du clergé ; je ne sais pas trop si ma personne est en sûreté, et si je ne serai pas obligé de quitter la France. Rappelez-vous donc en me lisant le mot d’Horace : Res est sacra miser. Je souhaiterais que mon livre vous parût digne de quelque estime ; mais quel ouvrage peut mériter de trouver grâce devant vous ? L’élévation qui vous sépare de tous les autres écrivains ne doit vous laisser apercevoir aucune différence entre eux. Dès que je le pourrai, je vous enverrai mon ouvrage comme un hommage que tout auteur doit à son maître, en vous conseillant toutefois de relire plutôt la moindre de vos brochures que mon in-4o.


3710. — À M. LE CONSEILLER LE BAULT[2].
Aux Délices, 4 décembre 1738.

Je vous remercie de vos bontés, monsieur, et de vos quatre tonneaux à double futaille, que nous boirons à votre santé dans nos ermitages. Je suis accommodé avec monseigneur le comte de La Marche, et je vais tâcher de faire un peu de bien dans un pays où je ne vois que du mal. Je compte parmi les bonnes œuvres des plants de Bourgogne ; ceux dont vous avez bien voulu me gratifier promettent beaucoup. Pourriez-vous pousser la bienfaisance jusqu’à m’en faire avoir un millier ? Mais je veux le

  1. Correspondance de Grimm, tome X, page 103 ; édition Maurice Tourneux.
  2. Editeur, de Mandat-Grancey.