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ANNÉE 1758.

Voulez-vous que j’aille avec lui jusqu’à Belley ? Voulez-vous avoir la bonté d’y venir passer 24 heures ? Nous en ferons l’île de la Conférence ; et je m’assure qu’en un moment nous aurons tout réglé et terminé de fort bonne grâce ; beaucoup mieux probablement que nous ne ferions sur la place même, dans un pays, soit dit entre nous, de grand bavardage. Je serai à Belley au milieu de la semaine prochaine, vers le mardi. Faites-moi l’honneur de m’y écrire sans aucun retard un petit mot à l’évêché pour m’apprendre votre résolution. Vous ne doutez pas de l’empressement extrême que j’aurais de vous voir, de vous embrasser, de finir avec vous une affaire qui nous mettrait encore plus en liaison. De votre côté, vous ne serez pas fâché de faire connaissance avec un voisin homme d’esprit et de beaucoup de mérite<ref<M. Cortois de Quincy, évêque de Belley. </ref>. À demain donc les affaires, disait le roi Antigone. Mais, tous les jours de ma vie, elle vous est entièrement dévouée par tous les sentiments imaginables d’estime et d’attachement.

Vous me mettez en colère contre l’ennemi qui a suscité ce maudit Chouet pour semer de l’ivraie dans mon champ admirable, où il n’a jamais crû du blé que pour les élus. L’ivrogne qu’il est n’a donc pas assez de s’enivrer de mon vin, il veut encore s’enivrer de mon blé.


3705. — À M. BERTRAND.
Aux Délices, 27 novembre.

Vous vous y prenez un peu tard, mon cher ami, M. de Boisy[1] et M. de Montpéroux m’ont desséché, l’un en me vendant sa terre, l’autre en m’empruntant ce qui me restait. Cependant il ne faut pas abandonner son ami, qui veut faire une bonne œuvre. Je vole donc à mes charpentiers et à mes maçons cinquante louis d’or que je vous envoie en une lettre de change que Panchaud[2] tirera sur Lyon. Je suis très-affligé de ne pouvoir faire mieux ; je suis fâché aussi de ne pouvoir faire mieux pour le cuistre qui a imprimé ce libelle dans le Mercure suisse. Il mérite une correction plus sévère, et ses insolences doivent être réprimées. Tout le monde sait ici, aussi bien que lui, que le père des Saurin de France avait fait quelques fredaines il y a soixante-dix ans. Mais par quelle frénésie les réveille-t-il ? Pourquoi attaquer les morts et les vivants ? de quel droit taxer d’irréligion un homme qui fait un acte très-religieux en sauvant l’honneur d’une famille ? Vos ministres de Lausanne, qui en veulent un peu à notre ami Polier, se sont conduits avec lui, dans cette affaire, très-indécemment,

  1. Budée de Boisy.
  2. Banquier de Voltaire.