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CORRESPONDANCE.

Cependant ce sont ces philosophes, incapables de nuire, qu’on persécute.

Je ne suis pas de son avis en bien des choses, il s’en faut beaucoup ; et s’il m’avait consulté, je lui aurais conseillé de faire son livre autrement ; mais, tel qu’il est, il y a beaucoup de bon, et je n’y vois rien de dangereux. Ou dira peut-être que j’ai les yeux gâtés.

Il faut qu’Helvétius ait quelques ennemis secrets qui aient dénoncé son livre aux sots, et qui aient animé les fanatiques. Dites-moi donc ce qui lui a attiré un tel orage ; il y a cent choses beaucoup plus fortes dans l’Esprit des lois, et surtout dans les Lettres persanes. Le proverbe est donc bien vrai qu’il n’y a qu’heur et malheur en ce monde.

Au lieu de me faire avoir cet Esprit, pourriez-vous avoir la charité de m’indiquer quelque bon atlas nouveau, bien fait, bien net, où mes vieux yeux vissent commodément le théâtre de la guerre et des misères humaines ? Je n’ai que d’anciennes cartes de géographie ; c’est peut-être le seul art dans lequel les derniers ouvrages sont toujours les meilleurs. Il n’en est pas de même, à ce que je vois, des pièces de théâtre, des romans, des vers, des ouvrages de morale, etc.

Je dicte ce rogaton, mon cher ami, parce que je suis un peu malade aujourd’hui ; mais j’ai toujours assez de force pour vous assurer de ma main que je vous aime de tout mon cœur.


3682. — À M. LE PRÉSIDENT DE BROSSES[1].
Aux Délices, 21 octobre.

Eh bien ! monsieur, vous donnerez donc la préférence à M. de Fautrière, quid tum si fuscus Amintas ? Si je n’ai pas Tournay, je serai au moins votre voisin, car il faut bien que je vous sois quelque chose. Mais si vous concluez avec M. de Fautrière, je ne vous serai plus rien. Vous ne viendrez plus dans votre grand bailliage de Gex : vous ne me montrerez point votre Salluste. Je serai privé du bonheur de vous entendre. Ce sera donc. M. de Fautrière qui sera mon voisin. Je suis bien trompé, ou il possède moins bien que vous ses auteurs latins, italiens et anglais ; et, quelque mérite qu’il puisse avoir, je vous jure que vous serez très-regretté. Je persiste toujours dans le dessein d’avoir des possessions en France, en Suisse, à Genève, et même en Savoie. On

  1. Éditeur, Th. Foisset.