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CORRESPONDANCE.

Je ne sais pas pourquoi on dit que les circonstances présentes pourraient me faire revenir. Je ne suis établi à mes Délices que pour ma santé et pour mon plaisir. La beauté du lieu et l’agrément de ma retraite, la très-bonne compagnie qui y vient, sont des liens qui m’y attachent. Un malade qui est auprès de M. Tronchin ne doit pas se transplanter. Je regrette beaucoup des amis tels que vous ; mais je ne puis regretter le monde.

Ma nièce vous fait ses compliments. Elle a été longtemps garde-malade.


3679. — À MADAMR LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
Aux Délices, 17 octobre.

Madame, à la réception de la lettre dont Votre Altesse sérénissime m’honore, j’écris encore au Genevois La Bat, et je lui dis que ce n’est pas assez d’être baron, qu’il faut encore être poli. Quand on a fait signer à un grand prince un reçu d’argent comptant, il est juste, à ce qu’il me semble, que cet argent soit touché. Je ne m’entends guère, madame, à ces négociations genevoises ; mais je soupçonne que le seigneur baron La Bat aura demandé que Vos Altesses sérénissimes eussent à compter du jour qu’il aura envoyé ses lettres de change. Apparemment les banquiers ne les ont pas négociées assez tôt, et le ministre de Vos Altesses sérénissimes les a pressés sans doute de finir. Sérieusement, madame, il est très-ridicule qu’elle ait été si négligemment servie ; ses ordres doivent être exécutés avec plus de promptitude. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour communiquer à mon baron toute mon envie de vous plaire. Ah ! madame, s’il avait fait comme moi un séjour à Gotha, s’il avait eu le bonheur de s’approcher de madame la duchesse, il serait certainement plus diligent, il regarderait comme un crime de faire attendre un moment Vos Altesses sérénissimes.

Dieu veuille que ces cinquante mille florins ne soient pas pris par des housards ! Nous sommes dans un temps où la moitié du monde tue son prochain, et où l’autre le pille. Votre Laudon-[2], madame, qui dit que Dieu punit les hommes, est donc un des instruments de la justice divine ? La punition est un peu longue, et n’a pas l’air de finir sitôt. S’il y a cinq justes en faveur de qui on puisse pardonner, ces cinq justes sont dans le château

  1. Éditeurs, Bavoux et François.
  2. Célèbre général autrichien.