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ANNÉE 1758.

Qu’il soit mort ou vivant, il me semble que j’ai besoin d’un honnête procureur normand. En connaîtriez-vous quelqu’un dont je pusse employer la prose ?

Mais vous, que faites-vous dans votre jolie terre de Launai ? bâtissez-vous ? plantez-vous ? avez-vous la faiblesse de regretter Paris ? ne méprisez-vous pas la frivolité, qui est l’âme de cette grande ville ? Vous n’êtes pas de ceux qui ont besoin qu’on leur dise :


Omitte mirari beatæ
Fumum et opes strepitumque Romæ.

(Hor., lib. III, od. xxix, v. 11.)

Cependant on dit que vous êtes encore à Paris ; j’adresse ma lettre rue Saint-Pierre, pour vous être renvoyée à Launai, si vous avez le bonheur d’y être. Adieu ; je vous embrasse.

Nisi quod non simul essem, cætera lætus.

(Hor., lib. I, ép. x, v. 50.)

3674. — À M. TRONCHIN, DE LYON[1].
Délices, 4 octobre.

Les batailles décisives et complètes n’ont été ni complètes ni décisives ; mais ce qui est complet, c’est le malheur des peuples, et ce qui est décidé, c’est que nous sommes des fous. Je tâche d’être philosophe dans ma retraite ; mais je suis bien plus sûr de mon amitié pour vous que de ma philosophie.

Que la guerre continue, que la paix se fasse, vivamus et bibamus. Le sucre, le café, tout cela est devenu bien cher, grâce aux déprédations anglicanes. Il faudra bientôt demander à ces pirates d’Anglais la permission de déjeuner. Dieu les confonde, eux et leurs semblables qui désolent l’Europe ! et Dieu vous tienne en joie !

La retraite du fils de Priam m’est suspecte. Ce rat se retire dans son fromage de Hollande, parce qu’il sent que les souris vont mourir de faim.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.