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CORRESPONDANCE.

des pirates anglais près de Saint-Malo[1] ; c’est toujours une consolation.

Vous souvenez-vous du petit Francheville, qui avait passé de mon taudis au palais du prince de Prusse ? Le prince Henri lui conserve ses appointements ; il m’a promis de me venir voir.

Le roi de Prusse m’a écrit deux lettres depuis son affaire avec les Russes. Je vous assure qu’il n’a pas le style d’un homme vaincu.

Je n’abandonne point du tout Pierre le Grand, quoiqu’on ait battu les troupes de sa fille ; je suis trop fidèle à mes engagements.

Je n’ai jamais reçu le paquet du 25 de juillet dont vous parlez ; mais je recevrai avec la plus grande satisfaction les lettres que vous voudrez bien écrire à votre ancien ami le campagnard, et heureux campagnard.


3673. — À M. DE CIDEVILLE.
Aux Délices, 4 octobre.

Que les Russes soient battus, que Louisbourg soit pris, qu’Helvétius ait demandé pardon de son livre, qu’on débite à Paris de fausses nouvelles et de mauvais vers, que le parlement de Paris ait fait pendre un huissier pour avoir dit des sottises, ce n’est pas ce dont je m’inquiète ; mais M. Ango de Lézeau, et quatre années qu’il me doit, sont le grave sujet de ma lettre. Peut-être M. Ango me croit-il mort ; peut-être l’est-il lui-même. S’il est en vie, où est-il ? S’il est mort, où sont ses héritiers ? Dans l’un et l’autre cas, à qui dois-je m’adresser pour vivre ?

Pardonnez, mon ancien ami, à tant de questions. Je me trouve un peu embarrassé ; j’ai essuyé coup sur coup plus d’une banqueroute. Notre ami Horace dit tranquillement :


Del vitam, det opes ; æquum mi animun ipse parabo.

(Lib. I, epist. xviii, 112.)


Vraiment je le crois bien ; voilà un grand effort ! Il n’avait pas affaire à la famille de Samuel Bernard et à M. Ango de Lézeau. Ce petit babouin crut faire un bon marché[2] avec moi, parce que j’étais fluet et maigre ; vivimus tamen, et peut-être Ango occidit dans son marquisat.

  1. Voyez tome XV, page 70.
  2. Voyez tome XXXIII, page 352 ; et XXXVIII, 189,