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ANNÉE 1758.

j’avoue que je le souhaite. Cela n’est pas humain ; mais peut-on avoir pitié des pirates ?

La paix n’est pas assurément prête à se faire. À combien Strasbourg est-il taxé ? Pour nous, nous ne connaissons ni guerre, ni impôts. Nos Suisses sont sages et heureux. J’ai bien la mine de ne les pas quitter, quoique la terre de Craon soit bien tentante.

Adieu, madame ; je vous présente mes respects, à vous et à votre amie, et vous suis attaché pour ma vie. V.


3670. — À M. THIERIOT.
Aux Délices, 3 octobre.
Urbis amator[1] credule Galle,


vous êtes donc tous fous avec votre bataille du 26 ! Le fait est que les Russes ont perdu environ quinze mille hommes le 25, et n’avaient nulle envie de se battre le 26 ; que Frédéric, après les avoir vaincus, et les avoir mis hors d’état de pénétrer plus avant, a couru dégager son frère ; qu’il a fait repasser les montagnes au comte de Daun, et qu’on est à peu près au même état où l’on était avant cette funeste guerre.

Maupertuis crèverait s’il savait que le roi son maître m’a écrit deux lettres depuis sa bataille de Custrin ; mais je n’en suis ni enorgueilli ni séduit.

Les deux couplets[2] sur le livre d’Helvétius sont assez jolis ; mais il me paraît qu’en général il y a beaucoup d’injustice et bien peu de philosophie à taxer de matérialisme l’opinion que les sens sont les seules portes des idées. L’apôtre de la raison, le sage Locke, n’a pas dit autre chose ; et Aristote l’avait dit avant lui. Le gros de votre nation ne sera jamais philosophe, quelque peine qu’on prenne à l’instruire.

J’ai reçu les manuscrits concernant la Russie : ce sont des anecdotes de médisance, et par conséquent cela n’entre pas dans mon plan.

Pour Jean-Jacques, il a beau écrire contre la comédie, tout Genève y court en foule. La ville de Calvin devient la ville des plaisirs et de la tolérance. Il est vrai que je ne vais presque jamais à Genève ; mais on vient chez moi, ou plutôt chez mes nièces. Mon ermitage est charmant dans la belle saison.

  1. Horace, livre Ier, épître x, vers 1.
  2. Ces couplets sont dans la Correspondance littéraire de Grimm, 1er septembre 1758.