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CORRESPONDANCE.

vôtre. Il est d’autant plus agréable qu’il est de votre choix, et que le roi vous paye pour satisfaire votre goût.


Quid voveat dulci nutricula majus alumno ?

(Hor., lib. I, ep. IV, v. 8.)

Vous aurez sans doute entendu dire, comme nous, de bien fausses nouvelles ; que les Russes ont battu le roi de Prusse, dans un second combat qui ne s’est point donné, et que les Anglais ont levé le siège de Louisbourg, dont ils sont en pleine possession. Le monde est composé de mensonges, ou proférés, ou manuscrits, ou imprimés. Mais une vérité sur laquelle vous pouvez compter, monsieur, c’est que vous êtes regretté partout où vous avez paru, et particulièrement dans l’ermitage de votre très-humble et obéissant serviteur.


Le vieux Suisse V.

3666. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
Aux Délices, 26 septembre.

Madame, par la lettre du 16, dont Votre Altesse sérénissime m’honore, je vois qu’elle est très-contente du baron[2], qui ne lui a pas encore fait toucher sa somme au bout de trois mois. De là je conclus que Votre Altesse sérénissime est très-indulgente, et mon baron un grand lanternier. Je ne l’ai point vu ; il est dans sa superbe baronnie, sur le bord du lac Morat, moi sur le lac de Genève ; et je m’aperçois que la vie est courte, et les affaires longues. Non-seulement elle est courte, cette vie, mais le peu de moments qu’elle dure est bien malheureux. Le canon gronde de tous côtés autour de vos États. Je trouve que c’est un grand effet de votre sagesse de ne point chercher à vous charger de dettes. Dans ces temps de calamités, il vaut mieux certainement se retrancher que s’endetter.

Il me paraissait bien naturel que la branche de Gotha fût tutrice de la branche de Weimar ; mais dans les troubles qui vous entourent, c’est là une de vos moindres peines.

La nouvelle victoire du roi de Prusse auprès de Custrin n’est contestée, ce me semble, que par écrit. Il paraît bien clair que les Russes ont été battus, puisqu’ils ne paraissent point. S’ils étaient vainqueurs, ils seraient dans Berlin, et le roi de Prusse

  1. Éditeurs, Bavoux et François.
  2. La Bat.