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CORRESPONDANCE.

comme un ouvrage dicté par le diable. Je voudrais bien lire ce livre, pour le condamner aussi[1] ; tâchez de me le procurer. Vous voyez, sans doute, quelquefois cet infernal Helvétius ; demandez-lui son livre pour moi. Mais vous êtes un paresseux, un perdigiorno ; vous n’en ferez rien. Je vous connais ; allons, courage ; remuez-vous un peu. Je suis aussi paresseux que vous, et je viens de faire trois cents lieues. On dit que cela est fort sain ; cependant je ne m’en porte pas mieux. Une de vos lettres me fera probablement beaucoup de bien. Je suis toujours tout ébaubi d’être venu à mon âge avec une santé si maudite. Vous qui êtes, à peu de chose près, mon contemporain, et qui êtes gras comme un moine, n’oubliez pas le plus maigre des Suisses, qui vous aime de tout son cœur.

P. S. Qu’est-ce qu’un livre de Jean-Jacques contre la comédie[2] ? Jean-Jacques est-il devenu Père de l’Église ?


3661. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
Aux Délices, 20 septembre.

On ne sait plus que croire et que penser, madame. Hier, tout le monde avoue que les Russes ont été détruits ; aujourd’hui, tout le monde avoue que les Russes sont ressuscités pour battre le roi de Prusse. La nouvelle vous sera venue de Paris de la défaite des Anglais auprès de Saint-Malo. C’est du baume sur la blessure que la perte de Louisbourg nous a faite. Je voudrais bien, en qualité de curieux, et encore plus d’homme pacifique, savoir ce que c’est que cet armistice entre le maréchal de Contades et M. le prince de Rrunswick ; je voudrais un armistice éternel entre les hommes.

Je vous remercie de tout mon cœur, madame, des petites coquetteries que vous faites en ma faveur en Lorraine. Vous savez combien j’aimerais une terre qui me rapprocherait de vous : mais M. de Fontenoy[3] veut à présent vendre trois cent mille livres son Champignelle[4], qui ne rapporte pas plus de six mille livres de rente. Mme de Mirepoix et Mme de Boufflers veulent me vendre Craon ; mais il est substitué, et ce marché est difficile à conclure.

  1. Voltaire en a critiqué plusieurs passages : voyez tome XIX, page 23 ; XX, 321 ; mais il prend sa défense, tome XIX, 375 ; XXV, 474.
  2. Voyez la lettre 3650.
  3. Le comte de Fontenoy, ou Fontenoy-sur-Moselle, prés de Toul.
  4. Voyez lettre 3645.