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ANNÉE 1758.

qu’ils viennent de donner au landgrave de Hesse cent mille écus qu’ils lui avaient promis. Le résident d’Angleterre qui est à Berne y a plus de crédit que l’ambassadeur.

Les nouvelles d’Allemagne varient si fort, les Prussiens exagèrent tant et sont si gascons, les Russes sont si menteurs, Paris est si peu instruit, que je ne crois rien et que je ne vous mande rien.


3655. — À M. HENNIN[1].
Septembre.

Je supplie instamment M. Hennin de vouloir bien excuser un malade s’il n’a pas l’honneur d’aller le voir, et je le supplie de ne pas oublier l’homme du monde qui a été le plus tôt et le plus sensible à son mérite. Je me flatte qu’avant d’aller sur la tombe du pauvre Patu il n’oubliera pas le squelette des Délices. V.


3656. — À M. LE PRÉSIDENT DE BROSSES[2].
Aux Délices, près de Genève, 9 septembre 1758.

J’ai lu avec un extrême plaisir ce que vous avez écrit sur les Terres australes ; mais serait-il permis de vous faire une proposition qui concerne le continent ? Vous n’êtes pas homme à faire valoir votre terre de Tournay. Votre fermier Chouet en est dégoûté, et demande à résilier son bail. Voulez-vous me vendre votre terre à vie ? Je suis vieux et malade. Je sais bien que je fais un mauvais marché ; mais ce marché vous sera utile et me sera agréable. Voici quelles seraient les conditions que ma fantaisie, qui m’a toujours conduit, soumet à votre prudence.

Je m’engage à faire bâtir un joli pavillon des matériaux de votre très-vilain château, et je compte y mettre vingt-cinq mille livres. Je vous payerai comptant vingt-cinq autres mille livres. Tous les embellissements que je ferai à la terre, tous les bestiaux et les instruments d’agriculture dont je l’aurai pourvue, vous appartiendront. Si je meurs avant d’avoir achevé le bâtiment, vous aurez par devers vous mes vinq-cinq mille livres, et vous achèverez le bâtiment si vous voulez. Mais je tâcherai de ne pas mourir de deux ans, et alors vous serez joliment logé sans qu’il vous en coûte rien. De plus, je m’engage à ne pas vivre plus de quatre ou cinq ans.

  1. Pierre-Michel Hennin, né à Magny (Seine-et-Oise) le 30 août 1728, mort à Paris le 5 juillet 1807.
  2. Éditeur, Th. Foisset.