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ANNÉE 1758.

contre vous, et qu’il renouvelle la querelle de l’article de Genève[1] ? On dit bien plus, on dit qu’il pousse le sacrilège jusqu’à s’élever contre la comédie, qui devient le troisième sacrement de Genève. On est fou du spectacle dans le pays de Calvin.


Nos mœurs changent, Brutus ; il faut changer nos lois.

(La Mort de César, acte III, scène iv.)


On a donné trois pièces nouvelles faites à Genève même, en trois mois de temps, et de ces pièces je n’en ai fait qu’une.

Voilà l’autel du dieu inconnu à qui cette nouvelle Athènes sacrifie. Rousseau en est le Diogène, et, du fond de son tonneau, il s’avise d’aboyer contre nous. Il y a en lui double ingratitude.

Il attaque un art qu’il a exercé lui-même, et il écrit contre vous, qui l’avez accablé d’éloges. En vérité, magis magnos clericos non sunt magis magnos sapientes[2].

N’êtes-vous pas à Paris dans la consternation ? Le roi de Prusse est dans l’embarras, Marie-Thérèse est aux expédients, tout le monde est ruiné. Rousseau n’est pas le plus grave fou de ce monde. Ah ! quel siècle ! quel pauvre siècle ! Répondez à mes questions, et aimez un solitaire qui regrette peu d’hommes et peu de choses, mais qui vous regrettera toujours, qui vous admire et qui vous aime.


3651. — À M. COLINI[3].
Aux Délices, 2 septembre.

Mon cher Colini, je n’ai que le temps de vous dire, en partant pour Lausanne, que ma lettre à Pierron[4] a été lue par l’électeur ; que la première place qui vaquera sera pour vous ; mais vous savez qu’on attend quelquefois longtemps. Je vous assure que je ne négligerai aucune occasion de vous trouver quelque place qui vous convienne. Je vous prie de faire pour moi les plus tendres remerciements à M. l’ammeister Langhans, dont je n’oublierai jamais les procédés charmants. Souvenez-vous de moi auprès de M. Schœpflin et de M. de Gervasi.

  1. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève, à M. d’Alembert, sur son article Genève, dans le septième volume de l’Encyclopédie, et particulièrement sur le projet d’établir un théâtre de comédie en cette ville ; 1758, in-8°.
  2. Voyez les lettres du 25 février 1758 et du 14 juillet 1773.
  3. Colini était encore à Strasbourg, et il ne quitta cette ville que vers la fin de 1759, pour aller à Manheim.
  4. Homme de confiance de Charles-Théodore.