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CORRESPONDANCE.

personne qui vous est acquise. C’est peut-être une illusion, mais ne me l’ôtez point, monsieur, j’en suis trop charmée.

J’ai rendu compte au margrave[1] de la justice que vous rendez à nos sentiments pour vous, et des politesses que vous me dites à ce sujet ; il en est pénétré. J’aurais bien voulu que vous fussiez revenu sur vos pas pour connaître par vous-même l’effet que votre départ faisait sur nous. Nos regrets exprimaient notre admiration et notre estime. Enfin, monsieur, vous êtes bien fêté parmi nous ; et comme vous avez si bien su développer le cœur de Zaïre, pourquoi ignoreriez-vous le mien ? Permettez que je vous renvoie à cette connaissance, pour vous faire comprendre quels sont les sentiments d’estime et de considération avec lesquels j’ai l’honneur d’être, pour toute ma vie, monsieur, votre très-affectionnée servante,


Caroline, margrave de Bade-Dourlach.

P. S. N’oubliez pas, monsieur, de revenir chez nous. Le margrave et moi, nous vous en sollicitons. Vous savez bien qu’une écolière vous attend.


3642. — À M. L’ABBÉ COMTE DE BERNIS[2].
À Soleure, 19 août.

Le vieux Suisse, monseigneur, apprend dans ses tournées que cette tête qualifiée carrée par M. de CHavigny[3] est ornée d’un bonnet qui lui sied très-bien. Votre Éminence doit être excédée des compliments qu’on lui a faits sur la couleur de son habit, que j’ai vue autrefois sur ses joues rebondies, et qui, je crois, y doit être encore.

Mes trente-huit confrères ont pu vous ennuyer, et c’est un devoir à quoi, moi trente-neuvième, je ne dois pas manquer. Je dois prendre plus de part qu’un autre à cette nouvelle agréable, puisque vous avez daigné honorer mon métier avant d’être de celui du cardinal de Richelieu. Je me souviendrai toujours, et je m’enorgueillirai que notre Mécène ait été Tibulle. Gentil Bernard doit en être bien fier aussi.

  1. Né en 1728, mort le 10 juin 1811.
  2. François-Joachim de Pierre de Bernis naquit à Saint-Marcel d’Ardèche, en Vivarais, le 22 mai 1715. Ce fut au cardinal de Fleury qu’il répondit : « Eh bien, monseigneur, j’attendrai. » — Reçu à l’Académie française à la fin de 1744, et nommé à diverses ambassades, de 1751 à 1757, année au commencement de laquelle il fut fait ministre d’État, sa faveur et son pouvoir n’avaient fait qu’augmenter encore. Désigné pour être cardinal, après la mort de Tencin, il reçut le bonnet rouge le 2 octobre 1758 ; mais, presque en même temps, il fut remplacé par le duc de Choiseul au ministère des affaires étrangères, et envoyé en exil d’après un ordre de Louis XV. Bernis est mort à Rome le 2 novembre 1794. (Cl.)
  3. Ambassadeur en Suisse, demeurant à Soleure même.